Les vestiges médiévaux sont rares à Dieppe, mais spectaculaires : l’église Saint-Jacques est l’un d’eux. Silhouette immanquable dans le centre-ville de Dieppe, la façade occidentale de l’église Saint-Jacques attire le regard par l’aspect finement ciselé de son décor et par son asymétrie, due à la présence d’un beffroi de 42m sur son côté sud. Cette église est l’un des trésors architecturaux de la ville de Dieppe.
L'église Saint-Jacques fut bâtie sur l'emplacement occupé jadis sur les vestiges de la petite chapelle Sainte Catherine, puis d'une première église détruite. On sait peu de chose de la première église Saint-Jacques, ni même si elle fut achevée, si ce n’est qu’elle aurait disparu dans les flammes, en 1195, lors de l’assaut mené contre les Anglais par le roi de France Philippe Auguste. Décidée en 1250, la nouvelle construction fut lente. En 1282, l'archevêque Guillaume de Flavacourt, archevêque de Rouen, décida de la consacrer à saint Jacques, patron des pêcheurs.
Consacrée à saint Jacques, l’église constituait une étape importante pour les nombreux pèlerins faisant route vers Saint-Jacques de Compostelle, et notamment ceux qui, partis de contrées septentrionales ou d’Angleterre, se rendaient en Galice par voie terrestre ou maritime. Elle est dotée en conséquence de vastes proportions sans doute le signe des ambitions et de la générosité de ses bâtisseurs. Les travaux furent achevés que vers la fin du XVIe siècle. L'évolution architecturale de l'église nous permet ainsi de retracer le cheminement de l'art gothique durant quatre siècles, jusqu'aux derniers feux du gothique flamboyant. Son histoire est très liée à celle de la ville de Dieppe, qui entretient durant plusieurs siècles une grande activité maritime et commerciale.
L’église Saint-Jacques dans son ensemble présente les caractéristiques de l’architecture gothique : des murs largement ouverts conférant sa transparence à l’édifice, des arcs brisés, des arcs-boutants à claire-voie. Édifiée ainsi sur plus de 400 ans, son architecture mêle les dernières évolutions du style roman, aux différentes périodes de l’art gothique, et intègre de très nombreux éléments Renaissances. L'évolution architecturale de l'église nous permet ainsi de retracer le cheminement de l'art gothique durant quatre siècles, jusqu'aux derniers feux du gothique flamboyant. Les gargouilles, les roses éclairant les façades et les décors sculptés sont typiques de l’art gothique ; ce sont des pétales et des trèfles découpés dans la pierre des ouvertures, des crochets et des formes végétales bordant les angles des pinacles, des tourelles et des gables...
L’église possède un plan en croix latine. La belle façade, à l'origine symétrique, de l’église Saint-Jacques de Dieppe est un joyau de l’art gothique flamboyant du XIVe siècle : sa rose surmontée d’un gâble ajouré, les nombreux pinacles à fleurons et les baies élancées du beffroi sont les témoins d’une grande maîtrise du vocabulaire ornemental propre à ce style. Le décor du tympan a cependant disparu, martelé lors des guerres de religion. Le pilier médian du portail occidental s’orne depuis 1899 d’une statue de saint Jacques réalisée par le sculpteur dieppois Eugène Bénet (1863-1942). Le personnage est représenté avec les attributs du pèlerin de Compostelle : chapeau à larges bords orné d’une coquille, sandales, large manteau, sans oublier le bourdon, long bâton du marcheur. Une bourse y est accrochée ; elle est destinée à recueillir l’aumône dont se contente le pèlerin durant son périple. Le saint présente une bible ouverte.
Les transepts nord et sud remontent à la seconde moitié du XIIe siècle. Les bras du transept, restaurés entre la fin du XXe siècle et le début du XXIe siècle, sont les parties les plus archaïques de l’église. Les murs y sont épaulés de contreforts massifs ; ils sont édifiés avec un calcaire de teinte blonde nommé pierre de Caen. Les autres parties de l’église Saint-Jacques sont bâties avec un calcaire blanc issu de la vallée de Seine. Le Dôme est coiffé d'un lanternon à la croisée du transept. Le chœur, la nef, et les bas-côtés datent du XIIIe siècle, excepté les voûtes et le triforium de la nef qui datent également du XIVe siècle. Un des signes indiquant la durée de la construction est l’évolution de la forme des piliers : dans la nef, des piles rondes du XIIIe siècle sont simplement flanquées de quatre colonnettes. À la croisée du transept et dans le chœur refait plus tardivement, les piles sont de forme losangée ; elles sont cantonnées de multiples colonnettes.
Des variations sont également observables dans les décors sculptés, le chœur étant embelli entre la fin du XVe siècle et le début du XVIe siècle. Les croisées d’ogive des voutes de la nef sont remplacées, dans le chœur et dans certaines chapelles, par des voutes ornées, à nervures multiples et clés pendantes. Le triforium du chœur, galerie de circulation située entre les grandes arcades et les fenêtres hautes, est lui aussi plus richement sculpté et ajouré que celui de la nef, où il est clos d’un mur aveugle. L’espace intérieur de la nef et de ses bas-côtés, depuis le portail occidental jusqu’à la chapelle axiale du chœur, offre une impression d’harmonie, le plan architectural a été respecté durant les quatre siècles de la construction.
Au XVe siècle, des chapelles latérales sont aménagées entre les contreforts de la nef tandis que les voûtes du chœur et le décor des chapelles du chœur sont refaites au XVIe siècle, dans un style marqué par le gothique flamboyant : voûtes à liernes et tiercerons, et les premières influences de la renaissance. Dans la nef, des chapelles latérales sont aménagées entre les culées des arcs-boutants à partir du XIVe siècle ; on y accède par les bas-côtés. Ces chapelles étaient dédiées aux corporations des différents métiers locaux. Au XVe siècle, des notables contribuent à embellir de décors ouvragés les chapelles ouvrant sur le déambulatoire du chœur. Ces transformations témoignent d’une prospérité économique dont armateurs et négociants sont les principaux bénéficiaires ; elle est fondée sur les activités maritimes et notamment l’importation de denrées exotiques. Ce sont les armateurs et les confréries qui ont contribué à son embellissement en construisant des chapelles tout autour de la nef, pour honorer leurs saints patrons.
La chapelle de la Vierge prolonge l’axe du chœur. Elle est plus vaste que les chapelles rayonnantes s’ouvrant sur le déambulatoire. Elle est consacrée à la Vierge comme dans toute église vouée à un autre saint. Ses décors sculptés sont typiques du style gothique tardif. La chapelle dite du trésor est située sur le côté nord du chœur. Elle est actuellement la sacristie et à l’origine la pièce où se réglaient les affaires de la paroisse. Son mur de clôture est abondamment sculpté. À la charnière de deux styles, il présente l’intérêt de mêler des décors typiquement gothiques à une organisation caractéristique de l’art de la Renaissance, avec ses corniches, ses pilastres et son grand arc en plein-cintre. L’ensemble est daté des années 1530.
D’autres éléments sont postérieurs, notamment la tour-lanterne à la croisée du transept, détruite à plusieurs reprises, reconstruite au XVIIIe avec un dôme surmonté d’un lanternon. Au XVe siècle, la tour des cloches est ajoutée à l’angle de la façade. À la fin de ce même siècle, l’église Saint-Jacques s’impose par sa monumentalité.
À l'intérieur de l’église Saint-Jacques, dans la partie haute du mur qui clôt la chapelle du Trésor est décorée d'une frise dite "des sauvages", c’est-à-dire non chrétiens et les deux personnages sculptés au sommet de pilastres encadrant la porte de la sacristie commémorent les expéditions maritimes que menèrent les navigateurs dieppois jusqu’en Amérique, Asie et Afrique. Des animaux, singe, serpent et hibou sont placés dans un décor végétal constitué d’arbres qui rythment les scènes. Il s’agit probablement du bois du Brésil, importé abondamment en Europe pour la teinture des tissus. Des musiciens accompagnent le joyeux cortège. Les représentations des trente-quatre personnages sont conformes à celles qui évoquent les peuples d’Amérique, des Indes Orientales et d’Afrique.
Un long bas-relief de faible hauteur se déploie ainsi comme une frise sur le mur de la sacristie, lui-même orné de sculptures d’un style gothique tardif. L’œuvre est datée de 1530. À la demande de Jehan Ango, mécène de l’église au XVIe siècle, l’artiste a représenté différentes scènes de la vie des indigènes : un cortège de fêtes et de danses, des épisodes guerriers, que de nombreux archéologues et savants sont venus observer. Victor Hugo est également venu voir ces véritables dentelles de pierre le 8 septembre 1837. A droite, la seconde partie de la frise rappelle certainement les festivités organisées lors des mitouries, qui se déroulaient en partie dans la ville et dans l'église, tous les ans au 15 août. Cette fête créée à la demande du roi Louis XI, commémorait la victoire de ce dernier sur les Anglais, à Dieppe en 1443.
L’une des chapelles latérales abrite un groupe sculpté de la mise au tombeau ; il s’agit d’une reproduction en plâtre du XIXe siècle, d’un groupe antérieur détruit à la révolution. Celui-ci s’inspirait de la Mise au tombeau en pierre du XVIe siècle conservée dans la collégiale Notre-Dame-et-Saint-Laurent d’Eu, également en Seine-Maritime. Il est aujourd'hui difficile d'imaginer l'ensemble du décor sculpté qui ornait l'édifice, la presque totalité de la statuaire ayant disparu durant le pillage de l'église par les Huguenots en 1562. Enfin, l'église Saint-Jacques fut dotée du grand orgue dès le XVIIe siècle, puis d'un orgue de chœur à la fin du XIXe siècle.
Probablement dès sa construction au XIIIe siècle, l'église Saint-Jacques reçut également les témoignages gravés dans la pierre, des marins, corsaires ou navigateurs partis à la découverte de nouveaux mondes, comme en témoigne le bateau gravé sur le soubassement du mur. Le caveau de l’armateur dieppois Jehan Ango, mécène de l’église, repose dans la chapelle Saint-Yves.