Architecture et trésor de l'Abbaye Saint-Michel de Cuxa (66)
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- Le 21/08/2018
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L'abbaye de Saint-Michel-de-Cuxa est un monument exceptionnel où l’on peut lire le passage de l’art préroman au roman, en l’espace d’une génération. De loin, on peut admirer le beau clocher roman du XIème siècle, à quatre étages.
Sa décoration de bandes d’arcatures, appelées lombardes, est un des caractères du premier art roman, tout comme le rythme de ses percements et leur silhouette. Ces caractères se retrouvent dans des constructions d’Italie du Nord de la même époque, ce qui fait supposer une influence entre les deux régions.
La visite de l'abbaye de Saint-Michel-de-Cuxa commence par la crypte. Aussi secrète qu’une grotte, l’église de la Vierge de la Crèche "Nostra Senyora del Pessebre" invite à la méditation autour de son pilier central de sept mètres de circonférence qui reçoit une voûte en berceau annulaire. La généralisation des voûtes dans l’architecture est aussi une des caractéristiques du premier art roman du 11ème siècle.
Cette voûte a été construite sur des coffrages en bois dont l’empreinte est restée dans le mortier de chaux. C’est l’abbé Oliba qui a édifié entre 1010 et 1040 les deux clochers et un « pôle occidental », composé de deux églises superposées, en avant de la grande église du Xème siècle.
Autour de la crypte du Pessebre, s’étendent des espaces voûtés de la même époque, situés sous l’atrium qui séparait l’église supérieure, dédiée à la Trinité, détruite, et la grande église pré-romane Saint-Michel.
L'église abbatiale
L'église abbatiale est un des très rares spécimens de l'art préroman en France, caractérisé ici, par l'arc en fer à cheval wisigothique d'origine orientale, qu'on peut voir dans la partie du transept dégagée des constructions postérieures. La voûte de la nef centrale, primitivement en simple charpente, a été restaurée selon les plans des arcs en ogive édifiés au XIVe siècle.
L'atrium et le massif oriental
L'église Saint-Michel
Le chœur de l'église principale est notamment orné d'un christ en bois sculpté et de stalles en bois. On observe dans une des absidioles romanes, une vierge à l'enfant polychrome du XIIIe siècle.
On pénètre dans l’église depuis le cloître. L’église Saint-Michel, pré-romane, est une grande basilique construite de 956 à 974 par les abbés Pons et Garin. Son ambition est d’imiter les grandes églises de Rome, avec sa longue nef et son transept très important. Le chevet comprend une grande abside carrée, et deux absidioles rondes ouvertes sur les bras du transept. Cette immense construction n’était pas voûtée à l’origine, mais couverte d’une charpente en bois.
Sa principale caractéristique est d’avoir ses arcs outrepassés, c’est-à-dire d’une courbe dépassant le demi-cercle. Cette forme est surtout visible au niveau du transept, car les arcades de la nef ont été élargies au XVIème siècle lors de la modernisation de l’église. Les arcs outrepassés sont un héritage de l’Antiquité tardive, dont les techniques de construction perdurent tant bien que mal à l’époque wisigothique. La civilisation arabo-musulmane s’est aussi inspirée de ces formes, ce qui fait que l’on a longtemps cru que l'abbaye de Saint-Michel-de-Cuxa était une église mozarabe, influencée par l’art musulman. Mais lorsqu’elle fut construite, les arabes avaient quitté la région depuis deux siècles.
La grande église est construite avec d’énormes pierres de taille aux angles et aux piliers, souvent de remploi, et pour les murs des pierres brutes, irrégulières, non travaillées. Cette technique de construction contraste avec celle du premier art roman du XIème siècle, où les pierres, sans être taillées, sont travaillées, régulièrement assisées et de même module.
Les deux travées du chœur ont été voûtées d’ogives au XIVème siècle suite à un incendie. La couverture de la nef est moderne, reconstituée après 1950.
Au XIème siècle, la grande église a été modifiée, par le voûtement de ses bas-côtés, la construction des clochers sur les extrémités des bras du transept , celui du nord s’est effondré en 1838 et la création d’une sorte de déambulatoire autour du chevet carré du Xème siècle, avec trois nouvelles absidioles.
Le cloître
Construit dans la décennie 1130-1140, le cloître, roman, est l'un des plus grands des Pyrénées. Il est séparé en deux parties, une remontée in situ et l'autre à New York. Les galeries sud et est sont couvertes d'une charpente de bois, la galerie sud-est la seule à avoir été complètement reconstituée, les autres ne l'ont été qu'en partie. Si les chapiteaux et les colonnes sont authentiques, les linteaux et les arcs ont été taillés au fur et à mesure des dernières restaurations.
Les chapiteaux en marbre rose du Conflent sont essentiellement décorés de thèmes profanes (feuillages, animaux), parfois aux inspirations orientales, et il serait vain d'y chercher le moindre motif religieux. Il ne faut pas non plus donner à cette décoration une quelconque interprétation symbolique. Les sculpteurs semblent n'avoir pris en compte que l'aspect purement décoratif des figures représentées ; ils se sont sans doute inspirés des manuscrits vus dans la bibliothèque de l'abbaye, l'une des plus riches des Xe et XIe siècles.
L'un des chapiteaux par exemple représente Gilgamesh, issu de la mythologie sumérienne. On observe tout de même un Christ bénissant et un Christ entouré d'anges, avec saint Pierre à ses pieds. Le cloître était agrémenté d'une fontaine qui fournissait aux moines fraîcheur et eau courante; elle est aujourd'hui exposée, salle 204, au Museum d'Art de Philadelphie.
On redescend de l’église dans le cloître, reconstitué de 1949 à 1955 avec les arcades et chapiteaux qui se trouvaient à Prades, on a pu regrouper sur place les arcades et chapiteaux qui se trouvaient chez différents particuliers. Les arcades de la galerie occidentale et l'amorce de la galerie orientale ont été remontées, reconstituant près de la moitié du cloître. D'autres éléments seront remis en place au fur et à mesure de leur récupération.
Le cloître formait à l’origine un quadrilatère fermé, autour duquel se distribuaient tous les bâtiments destinés à la vie collective des moines : réfectoire, dortoir, salle capitulaire, etc. Tous ces bâtiments ont disparu après 1789. Le cloître est sans doute l’œuvre de l’abbé Grégoire, dans le second quart du XIIème siècle. Il marque la renaissance de la sculpture dans l’art roman de cette région, et inaugure l’emploi du marbre.
L’ornementation des chapiteaux surprend par l’absence de propos narratif et de la figure humaine. L’inspiration est essentiellement symbolique, avec un bestiaire fantastique, lions, singes, monstres et des motifs végétaux.
Le remontage du cloître a aussi intégré des chapiteaux provenant de l’ancienne tribune-jubé, construite dans l’église pour délimiter l’espace réservé aux moines, démontée au XVIème siècle mais dont les fragments avaient été réutilisés dans l’abbaye, avant d’être dispersés au XIXème siècle. On y voit (dans l’angle isolé, au nord-est) des thèmes plus narratifs, avec un Christ barbu, des anges et des séraphins.
La porte actuelle de l’église est aussi un arc de la façade de l’ancienne tribune, où l’on peut voir le lion de Marc (à gauche) et le taureau de Luc (à droite) et tout le répertoire décoratif de l’art du XII ème siècle.
La Chapelle Saint Benoît
La chapelle sud de l’église, couverte d’une coupole, abrite un retable entièrement doré du début du XVIII° siècle, provenant de Saint-Michel de Cuxa. Ses huit tableaux racontent des épisodes de la vie de Saint Benoît. La statue du Saint figure dans la niche centrale.
Chasse : Reliquaire en forme de sarcophage muni d’un couvercle à 2 pentes, dans lequel on conserve les restes d’un saint ou d’une sainte.
Monstrance : Pièce d’orfèvrerie ancienne destinée à montrer ou à exposer aux fidèles l’hostie consacrée et qui préfigure l’ostensoir (pièce d’orfèvrerie dans laquelle on expose à l’autel l’hostie consacrée).
Relique : ce qui reste du corps d’un martyr, d’un saint personnage ou d’un objet relatif à son histoire, conservé dans un dessein de vénération.
Reliquaire : boîte, coffret etc. souvent en orfèvrerie ; destiné à contenir des reliques.
Le reliquaire
Ancienne salle des reliques. Les peintures murales datent de la moitié du XIX° siècle et relatent la vie de Saint-Pierre Orseolo (mort en 988) à l’abbaye de Saint-Michel de Cuxa. Dans les années 60, un curé a fait de cette pièce la chaufferie de l’église. La restauration de l’ensemble de ces peintures a été opérée en 1999. Venues de Cuxa sans leur reliquaire (tous ceux de métal précieux ont été fondus à la Révolution), les reliques de abbaye de Saint-Michel de Cuxa ont reçu au XIX° siècle des reliquaires en bois doré, en particulier celles de Saint-Pierre Orseolo.
Pierre Orseolo était un Doge de Venise, qui, en 978, abdiqua et vit se retirer à Cuxa, accompagné de Saint-Romuald. Il y mourut en 988. Les reliquaires les plus anciens sont les deux bustes en cuivre de Saint-Valentin et de Saint-Nazaire, qui datent du début du XVI° siècle. Faits de métal repoussé et ciselé, la tête peinte comme au naturel, ils sont de tradition médiévale. Parmi les autres bustes-reliquaires, il y en a du XVII°s, comme celui de Saint-Valent, daté de 1691 ou celui de Saint-Gaudérique, œuvre de François Boher, datée de 1805 (ou Sant Galdric, le saint invoqué pour obtenir la pluie).
Le clocher
C'est à l'abbé Oliba qu'on doit attribuer la construction des deux clochers jumeaux, de style lombard, élevés aux extrémités des bras du transept. Le clocher nord, qui portait les cloches et l'horloge, s'est écroulé pendant l'hiver 1838-1839, abattu par une tempête. Dans sa chute il entraîna l'extrémité nord du transept sur laquelle il était bâti.
Il ne subsiste plus aujourd'hui que le clocher méridional. Il s'agit d'une tour haute de 33 mètres, décorée de bandes lombardes; ses quatre étages sont percés de baies jumelées surmontées d'oculi. La tour est couronnée par un crénelage, qui n'est pas d'origine. On lui rapporta un contrefort à la base vers le XVe siècle pour contrebalancer son inclinaison, qui aurait pu causer son effondrement.
Nos coups de coeur à l'Abbaye Saint-Michel de Cuxa
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Le Trésor de l’Eglise
Au moment de la suppression des ordres religieux, pendant la Révolution Française, Prades recueillit une partie du mobilier de Saint-Michel de Cuxa, grande abbaye voisine située à Codalet.
En particulier les reliques, restes des corps des nombreux saints, qui formaient le prestige de l’abbaye durant tout le Moyen Age. Ces reliques et leurs reliquaires s’ajoutèrent aux biens de la paroisse.
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