L’abbatiale Notre-Dame de Bernay occupe dans la cité Normande une place d’exception, c'est l'un des plus grands trésors de Bernay. Tout d’abord en raison de sa grande beauté plastique et de la pureté de ses formes. Mais aussi parce qu’elle y possède la plus ancienne église romane qui nous soit parvenue. L'abbaye dévoile une architecture typique et pionnière de l'art roman en Normandie. Modifiée au fil des siècles, notamment avec une façade reconstruite au XVIIe siècle, elle présente cependant un grand nombre d'éléments d'origine. L'abbaye Notre-Dame de Bernay impressionne par ses murs austères, ses ouvertures étroites ou encore ses ensembles de chapiteaux au décor de végétaux et d'animaux. Si certaines abbayes réservent à leurs moines une vie totalement à l’écart du monde, l’abbatiale Notre-Dame de Bernay est, quant à elle, indissociable de la ville qu’elle a contribué à développer, et qui s’enorgueillit aujourd’hui de son histoire millénaire.
L’abbatiale Notre-Dame de Bernay a été érigée sous l'impulsion de Judith de Bretagne, épouse du duc de Normandie Richard II. L’Histoire a presque oublié cette jeune femme, seulement décrite dans un texte de Guillaume de Jumièges, vers 1070. Le mariage du duc de Normandie Richard II (996-1026) avec Judith, sœur du duc de Bretagne Geoffroi Ier marque l'alliance des ducs de Normandie et des comtes de Rennes, d'autant que Geoffroi épouse lui-même Havoise, soeur de Richard. Selon un usage que l'on retrouvera lors de l'union de Guillaume le Conquérant et de Mathilde de Flandre, le mariage de Richard et de Judith a lieu à la frontière des deux principautés, près du Mont-Saint-Michel. Lors de son mariage avec Richard II, duc de Normandie, Judith, fille de Conan le Tort, duc de Bretagne, reçoit un douaire qui comporte des domaines dans le Cotentin, le Cinglais et le Lieuvin, Bernay étant le chef-lieu de cette dernière portion.
Judith de Bretagne décide de consacrer Bernay à la fondation d'un monastère de l'Ordre de saint Benoît, dédié à Notre-Dame. Mais Judith meurt en 1017, les travaux étant inachevés. En 1025, son mari Richard II, par une charte en présence des jeunes princes Richard et Robert, des évêques de la province et d'une grande partie de la noblesse normande, donne à l'abbaye un vaste domaine qui s'étend de Giverville à Courtonne et de Cernières à Beaumont. Enfin, il soumet le nouveau monastère à celui de Fécamp, décide de reprendre la construction et confie le chantier à l'abbé Guillaume de Volpiano, architecte italien et ancien moine de Cluny, longtemps abbé de l'abbaye Saint-Bénigne de Dijon, renommé notamment pour avoir participé à l'achèvement des monastères de Fécamp, Jumièges, ou encore, Troarn. Après son voyage en Italie vers 995, il étudie des plans pour Saint-Bénigne de Dijon et amène avec lui des maîtres-maçons et des ouvriers de Haute-Italie qui vont travailler en Bourgogne et en Normandie. Il meurt en 1031.
Durant quelque temps, Bernay, qui n'a pas réussi à devenir une abbaye autonome, mais reste une dépendance de l'abbaye de Fécamp, n'a pas d'abbé propre, mais un custos (Custos est un mot latin signifiant gardien. En français, il peut faire référence au sacristain. L'abbé est nommé et vient de la maison mère : au début, Thierry, probablement aussi abbé de l'abbaye de Jumièges et de l'abbaye du Mont-Saint-Michel, qui meurt le 17 mai 1027, puis Raoul de Vieilles, aussi abbé du Mont-Saint-Michel qui donne à Robert Ier de Montgommery, favori du duc Robert le Magnifique la moitié du bourg de Bernay que l'abbaye ne récupérera jamais et à Onfroy de Vieilles, son parent, les importants domaines de Saint-Évroult et de Beaumont-le-Roger. Robert Ier, dit Robert le Libéral ou, plus couramment, Robert le Magnifique est duc de Normandie d'août 1027 jusqu'à sa mort, survenue en Terre sainte le 2 juillet 1035, lors d'un pèlerinage. Il est le père de Guillaume II de Normandie, dit « Guillaume de Normandie, duc des Normands », futur Guillaume le Conquérant.
C'est vers 1050-1160 qu'apparaît Vital de Creuilly, moine de Fécamp, homme de confiance de Jean de Ravenne, abbé italien qu'il avait chargé vers 1058 d'organiser, dans le diocèse de Bayeux, le prieuré de Saint-Gabriel. Il obtient l'autonomie et le rang abbatial pour Bernay, et reste jusqu'en 1076, date à laquelle Guillaume le Conquérant le place à la tête de Westminster et meurt en 1082 après avoir élevé l'abbaye à partir de peu de chose. Son œuvre architecturale a dû être considérable. La conquête de l'Angleterre apporte trois prieurés dans le Suffolk et en Northamptonshire puis Vital est remplacé par son frère Osbern.
Ensuite, les archives ayant complètement disparu, l'histoire de l'Abbaye Notre-Dame de Bernay est mal connue, les moines profitent sans doute de la prospérité précoce de la ville, devenue dès le XIIe siècle un centre d'industrie drapière avec d'importantes opérations financières attestée par une nombreuse colonie juive. On sait qu'en 1249, un grave incendie ravage une partie du monastère réduit de 35 à 15 religieux. Au XVe siècle, on remanie le bas-côté nord de la nef et l'abside de l'abbatiale dans le style gothique flamboyant. En 1563, l'amiral de Coligny saccage l'abbaye et pille les trésors et les archives et elle est encore partiellement ravagée en 1589 par le soulèvement rural des « Gauthiers », puis à peu près délaissée jusqu'en 1618 où l'on reconstruit le cloître.
Gaspard de Coligny est un noble et amiral français, né le 16 février 1519 à Châtillon-sur-Loing (aujourd'hui Châtillon-Coligny) et mort le 24 août 1572 à Paris, assassiné lors du massacre de la Saint-Barthélemy. Comte de Coligny, baron de Beaupont et Beauvoir, Montjuif, Roissiat, Chevignat et autres lieux, seigneur de Châtillon, amiral de France, il est l'un des membres les plus connus de la maison de Coligny éteinte en 1694. En 1562, lorsque la guerre éclata entre le parti protestant et le parti catholique, Coligny s'engagea aux côtés du prince de Condé.
En 1628, l'Abbaye Notre-Dame de Bernay est reprise en main par les Mauristes qui y commencent de vastes travaux à partir de 1686. Le réfectoire est daté de 1694. À cette occasion, la façade principale et les deux travées les plus occidentales de l'église et les deux absidioles du chevet sont rasées. Une façade de style classique est alors montée. La plupart des chapiteaux de la nef sont défigurés par une application de stuc. En 1790, l'abbaye qui ne compte plus que sept religieux est supprimée et réaffectée à divers usages : hôtel de ville, tribunal et prison, puis sous-préfecture. Le bras nord du transept disparaît en 1810. En 1814, l'église abbatiale devient une halle au blé, puis est dépecée par une foule d'utilisateurs qui la cloisonnent en tous sens. L'abside est détruite en 1827 et, à une date inconnue, la tour centrale très remaniée au XVIIe siècle est arasée.
À partir de 1963, l'Abbaye Notre-Dame de Bernay en très mauvais état est restaurée par la ville de Bernay et les Monuments historiques, un très bel arc du xiie siècle appartenant probablement à la salle capitulaire est dégagé et en 1965 sont découverts les chapiteaux du croisillon sud. La restauration de l'édifice, en 1978, permet de comprendre son importance au XIe siècle.