Même si une voie romaine reliant Condé-sur-Iton à Lisieux traverse la localité, La Vieille-Lyre émerge de l'histoire en 1046, date de la fondation de l'abbaye Notre-Dame de Lyre. Mais le village existe sûrement avant cette date ! Si aujourd’hui, le monastère a entièrement disparu, l’abbaye de Lyre a fait partie des monastères normands les plus dotés en Angleterre. L'abbaye de Lyre appartient à cette nombreuse génération de monastères qui éclosent au XIe siècle dans le duché de Normandie. Par son importance, elle est comparable à l'abbaye de Jumièges, dit-on, tant par sa surface que par les évènements religieux qui y ont eu lieu. Sa fondation, certainement en 1046, est donc presque contemporaine de l'abbaye Notre-Dame du Bec ou de celles de Caen : La Trinité et Saint-Étienne.
Guillaume Fitz Osbern et sa femme Adelize sont le couple fondateur de l'établissement de l'Abbaye Notre-Dame de Lyre. Le premier fait partie des barons les plus puissants de Normandie ; cousin et sénéchal du duc, c'est donc un proche de Guillaume le Conquérant, appelé également Guillaume le Bâtard ou Guillaume de Normandie, duc de Normandie, sous le nom de Guillaume II, et roi d'Angleterre, sous le nom de Guillaume Ier. La richesse du personnage rejaillit sur le monastère qui reçoit d'importants biens essentiellement dans le pays d'Ouche mais aussi dans la vallée de l'Andelle, dans le pays de Caux, jusque dans le Bessin. Après la conquête de l'Angleterre (1066) à laquelle participe Guillaume Fitz Osbern, l'abbaye étend son influence outre-Manche. Le sénéchal redistribue en effet aux moines de Lyre une partie des biens anglais que lui a concédés Guillaume le Bâtard.
D'après le Domesday Book, Sous l'impulsion de Guillaume Fitz Osbern, l'Abbaye Notre-Dame de Lyre fait partie des monastères normands les plus dotés en Angleterre qui s'étend alors du Mesnil jusqu'à l'actuelle église de la Neuve-Lyre. Les moines de l'abbaye Notre-Dame de Lyre possèdent plusieurs fermes dans la paroisse : la Bosselette, la Bourgeraie, la Seigleterie, Melbuc. Ils détenaient aussi une portion de la forêt de Breteuil (la Haie de Lyre). Des défrichements sur cette forêt et sur celle de Conches permettent d'agrandir aux XIe et XIIe siècles les terres cultivables vers l'est en créant les hameaux et lieux-dits de la Bourgeraie, la Seigleterie, la Bosselette, le Melbuc, le Mesnil...
Au cours du XIIe siècle, l'Abbaye Notre-Dame de Lyre continue à recevoir des dons et des droits tant en Angleterre qu'en Normandie. Ce sont essentiellement des patronages d'églises. Le principal donateur est alors Robert de Leicester, comte de Meulan et proche des rois d'Angleterre Henri Beauclerc et Étienne de Blois. À la même période, le scriptorium se montre très actif. En témoigne la qualité des manuscrits enluminés que conservent aujourd'hui plusieurs bibliothèques dispersées en Europe : Rouen, Londres, Évreux, Paris... À la tête d'un riche établissement, l'abbé et les moines entreprennent la reconstruction de l'église abbatiale à partir du milieu du XIIe siècle, mais par malchance, un incendie détruit le nouvel édifice en 1188, qui sera reconstruit quelques années plus tard. Il faut bien comprendre qu’à l’époque, l’établissement avait une richesse importante et un pouvoir non négligeable. Si bien qu’en 1199, l’abbé Geoffroy Ier et les moines décident de reconstruire l’église abbatiale.
En 1204, l'abbaye passe sans difficulté de la domination Plantagenêt à la domination capétienne à la suite du rattachement de la Normandie au domaine royal français. Si au cours du XIIIe siècle, la prestigieuse Abbaye Notre-Dame de Lyre abritait soixante moines, son église étant de dimensions comparables à celle de la Cathédrale d’Evreux, se développe toujours un peu plus, en accroissant sa puissance foncière, les siècles qui suivent verront son déclin. Un déclin qui peut s’expliquer par la crise que connaît l’ordre bénédictin. Les fidèles se détournent des monastères anciens, leur préférant les fondations cisterciennes puis franciscaines ou dominicaines. Si les dons se tarissent, le monastère poursuit l'extension de sa puissance foncière en achetant des rentes et des terres. En 1269, l'archevêque de Rouen Eudes Rigaud visite l'établissement religieux et compte trente-sept moines, mais quinze autres sont installés en Angleterre ou au Pays de Galles dans des prieurés dépendants de Lyre : Carisbrooke, Hinckley, Llangua, Livers Ocle et Wareham...
La guerre de Cent Ans accélère son déclin. À deux reprises au moins, le monastère de Lyre est pillé par les Navarrais vers 1359 et vers 1365. En 1419, la Normandie passe sous occupation anglaise. Dans les années 1430, un nouvel abbé, Guillaume Le Bas, est imposé à Lyre. Il semble que les moines le refusent parce qu'il est favorable aux Anglais. En 1440, l'abbé ne peut prendre possession de son abbaye qu'avec l'aide de soldats. En 1449, les Anglais sont chassés par le roi de France Charles VII. Guillaume le Bas se soumet mais subit toujours la fronde de ses moines. Il doit abandonner son monastère en 1463.
S'ouvre une nouvelle période : celle des abbés commendataires. Le roi nomme à la tête des abbayes ses fidèles pour les récompenser de leur service. Ces abbés, tous de hauts personnages, ne résident pas en général dans l'abbaye, délaissent l'administration à l'un de leurs vicaires et se contentent de toucher une part importante des revenus de l'établissement. Dans la première moitié du XVIe siècle, Jean le Veneur est par exemple abbé commendataire de Lyre. Cardinal, évêque de Lisieux, il possède, outre Lyre, six abbayes dont celles du Mont-Saint-Michel et du Bec. Les revenus abbatiaux reviennent en priorité à l'abbé alors que parallèlement l'abbaye manque d'argent pour financer la réparation de ses bâtiments.
Un sursaut intervient en 1646, avec l'introduction par l'évêque d'Évreux et abbé Jacques II Le Noël du Perron de la réforme de Saint-Maur. De nouveaux moines s'installent à côté des anciens. Ils s'opposent à leur prédécesseurs par la stricte observance de la règle bénédictine et par leur goût pour les travaux scientifiques et généraux. À partir de la fin du XVIIe siècle, les mauristes entreprennent la reconstruction de presque tous les bâtiments claustraux. Toutefois, le faible nombre de religieux, ils ne sont plus que sept en 1698, montre que l'établissement n'a plus du tout l'attractivité qu'il avait au Moyen Âge. Le roi continue à nommer des abbés commendataires à Lyre. Au XVIIIe siècle, deux d'entre eux sont évêques de Strasbourg et appartiennent à la prestigieuse maison de Rohan. Vers 1759, l'abbaye se dote d'un nouveau dortoir. Son aspect nous est connu grâce aux plans d'un moine, dom Miserey.
L'Abbaye Notre-Dame de Lyre ne sera plus aussi prospère qu’au Moyen Âge. Pendant la Révolution française, Lyre connaît le sort de toutes les abbayes du pays : la disparition. L'agonie du monastère se divise en deux phases, d'abord l'éviction des moines. Le 13 février 1790, l'Assemblée Nationale vote la dissolution des ordres religieux. À l'Abbaye Notre-Dame de Lyre, les moines ne sont que dix, quant à l'abbé, il ne vit plus à l'abbaye. Leur relation avec les villageois de la Vieille-Lyre se dégrade. Si l'on peut imaginer que certains jalousent la richesse du monastère, un événement semble précipiter la dégradation des rapports : dans la nuit du 16 au 17 mai, plusieurs objets précieux sont dérobés dans l'abbaye et une partie de la population accuse volontiers les moines d'être les voleurs. Un climat de méfiance s'instaure. Les mois suivants, les religieux, sauf le prieur et le sous-prieur, sont contraints de rester dans le monastère. Finalement, ils obtiennent l'autorisation de partir. Aucun ne reste.
Deuxième phase, la disparition de l'Abbaye Notre-Dame de Lyre elle-même. La liquidation de ses biens, devenus biens nationaux, a commencé dès septembre 1790, avec la vente des fermes d'exploitation. Puis dans les années suivantes, le mobilier est vendu. Quelques mois après, l'église abbatiale devient l'église paroissiale mais, prenant conscience de l'ampleur des dépenses d'entretien, les paroissiens regagnent leur ancien lieu de culte. En novembre 1797, une partie de l'église s'écroule. À la hâte, au début de l'année suivante, on se décide à vendre les bâtiments conventuels. Les acquéreurs n'ont qu'un souci : tirer le plus d'argent des ruines. Ils abattent les murs, arrachent les pierres tombales, et coupent les arbres pour les vendre.
Pas une pierre n’aura été épargnée, en 1804, le plan cadastral de la commune révèle que le monastère a entièrement disparu en dehors d'une partie du logis abbatial et un mur d’enclos. Aujourd'hui, il ne reste plus une seule trace de l'abbaye Notre-Dame de Lyre. Il ne subsiste dans l’église Saint-Pierre pour se souvenir, que le gisant de la fondatrice, un panneau de la chaise de l’abbé et le grand aborium qui a été récupéré et qui fait partie de l’autel. À défaut de belles pierres, les bénédictins nous ont laissé de remarquables manuscrits enluminés, dispersés entre Evreux, Paris, Londres, Berlin et New-York.
Si La Vieille-Lyre ne compte plus de précieux vestiges de cette époque. Partez à la recherche des différentes traces de cet héritage dans les murs de l’église Saint-Pierre et sur les bâtiments de la commune. L’abbaye de Notre-Dame de Lyre possédait plusieurs fermes dans la paroisse, une randonnée propose de marcher sur les pas des moines qui ont probablement parcouru ce chemin pour vaquer à leurs occupations.
Partir en s'éloignant de la mairie, et descendre le petit chemin. Continuer tout droit, et suivre la route qui fait un angle droit, puis redescend vers la D833. A la route, prendre le chemin longeant les champs pour éviter la bordure de la route. Continuer jusqu'à la Neuve-Lyre. Arrivé à la route de Conches, partir vers la droite dans la rue de la Sergenterie que l'on descend jusqu'en bas. Tourner à droite dans la rue des frères Loisiel et traverser la Risle. Continuer sur cette rue. A la sortie du village, s'engager à droite sur le GR 224.
Après les dernières maisons, prendre le chemin à droite qui traverse la campagne et surplombe la vallée. On aperçoit la Vieille-Lyre sur l'autre versant. Traverser une route et continuer tout droit, toujours sur le GR 224. Après les maisons d'un lotissement, traverser une seconde route plus importante et continuer toujours tout droit sur un chemin qui fait une courbe et descend vers la vallée. A la route, prendre à gauche, puis sur la première route à droite qui traverse la Risle et rejoint Trisay. Au carrefour, prendre à droite, vers la Vieille-Lyre. Tourner à gauche entre les arbres sur la route qui se transforme bientôt en chemin. Au carrefour, partir vers la droite sur la route qui redescend à la Vieille-Lyre. A l'entrée du village, à la fourche, partir vers la droite dans la rue de la vierge pour rejoindre la rue Saint Pierre que l'on prend à droite pour revenir au centre du village. L’étape incontournable de votre visite est le Trou Normand, la célèbre auberge dont hérita Hippolyte Lemoine (alias Bourvil) dans le film du même nom.