L'étymologie de Harcourt n'est pas encore aujourd'hui bien défini, les titres anciens écrivent Haria Curia, Haer, Her et Heri-Curia, Harecortis, Harcutium et Harcusium, dans les actes en latin le terme de Haircuria ou Harecuria sont les plus utilisés. Le nom Harcourt est donné pour Harecort à la fin du XIe siècle selon Guillaume de Jumièges, Harolfi Curtis au début du XIIe siècle. On retrouve Herulfus ou Hariolfus, Harolfi ou Hariulf, dont l’origine serait en fait "erl wulf" avec le suffixe latin cortem qui signifie "domaine". On retrouve Harecourt en 1329 et en 1378, Harecord, Harcort en 1355.
L'édifice appartient à une ligne de défense du duché de Normandie construite le long de la Risle, et constituée notamment des châteaux de Montfort-sur-Risle, Brionne, Beaumont-le-Roger, Conches-en-Ouche, de Valville et Beauficel. Le château d'Harcourt a probabement été dès son origine un poste important par sa situation, ainsi qu'on peut en juger par les précautions, qui avaient été prises pour le fortifier. En effet, placé à l'extrémité du bourg d'Harcourt, il se trouvait au débouché des grandes forêts de Brionne et de Neubourg, à l'entrée de cette riche et belle plaine de blé, qui s'étend de la vallée d'Iton à celle de la Rille.
Les origines du château remontent au 11 juillet 911, lorsque le chef viking Rollon obtient par le traité de Saint-Clair-sur-Epte, une partie des territoires qui constitueront le duché de Normandie. Après le traité entre Charles III le Simple et Rollon, Bernard (Renaud) Le Danois, compagnon de Rollon et supposé Prince du Danemark, obtint des terres entre Le Neubourg et Brionne. Bernard le Danois semble être le premier seigneur d’une lignée qui prendra, deux siècles plus tard, le nom d’Harcourt avec Errand. Bernard le Danois fut gouverneur et régent du duché de Normandie à la mort du duc Guillaume Ier de Normandie en 942. Toutefois, la filiation de Bernard le Danois avec les d’Harcourt n’est pas assurée. Les premiers seigneurs d'Harcourt dont l'existence est attestée sont Turketil et son fils Ansquetil vers l’an mil.
Anquetil de Harcourt, fils de Turchetil fut sans doute ce sire de Harecort qui accompagna Guillaume de Conquérant, duc de Normandie, lors de la conquête de l’Angleterre. Son fils Robert 1er d’Harcourt, obtint la confirmation par Guillaume le Conquérant que la propriété lui appartenait, et ce en 1077. Durant cette période, les premiers seigneurs d’Harcourt apparaissent dans les textes : Anquetil de Harcourt, fils de Turchetil, lui-même fils de Turf, seigneur de Pont-Audemer. ils attestent que le rôle des Harcourt se développe au cours de ce siècle.
Le tout premier château construit à Harcourt daterait du XIe siècle. Il devait être, comme les forteresses de l'époque, édifié en terre et en bois sur la motte féodale, et ceint d’une palissade et d’un fossé. Même si les légendes offrent des origines plus anciennes au domaine, c'est entre 1020 et 1030 qu' apparaissent les premiers vestiges du château féodal. L’environnement du château, sa topographie, montrent les traces d'une forteresse primitive formée d’une enceinte de terre entourée de fossés secs et précédée d'une basse-cour enveloppante, clôturée de douves sèches et accessible par une barbacane.
Le second château, construit en pierre, est l’œuvre de Robert II d'Harcourt, compagnon de croisade de Richard Cœur de Lion. Au XIIe siècle, le castrum d’Harcourt est doté d’un donjon en pierre, carré, à contreforts plats, semblable aux donjons normands, comme celui de Brionne ou de Caen. Plus durable, le donjon, ou tour maîtresse, devient l’attribut essentiel du pouvoir. En pierre, il n’est plus érigeable au seul moyen de la corvée, mais nécessite des fonds numéraires pour payer les charpentiers et les maçons. Sa situation, en avant du site, dominant le territoire, marque bien une volonté d'afficher son pouvoir, sa puissance et sa richesse. Son existence témoigne d’une position forte de la seigneurie d’Harcourt.
Une charte de l'abbaye du Bec-Hellouin mentionne un important donjon carré en 1173-1174 et une autre, de Notre-Dame-de-Barbery, date sa construction après 1175. Il s'agit d'un important donjon carré, élevé sur une motte isolée par un large fossé, avec basse-cour et qui s'accompagne d'une chapelle.
Au XIIIe siècle, ce donjon est complété par un château de forme polygonale, à cinq tours rondes. La basse-cour, également de forme polygonale, est entourée d’une enceinte flanquée de douze tours à archères. Les fossés et l'enceinte faisaient le tour complet du château. L’accès à la basse-cour se fait part un pont, défendu par une barbacane et enjambant un fossé. La basse-cour, à laquelle on accédait par un châtelet d'entrée reliant deux tours, contenait un véritable village : logement pour soldats, chapelle, écuries,... Ces modifications, très philippiennes dans le style, sont probablement l’œuvre de Jean Ier d'Harcourt. Cette phase de construction concorde avec la constitution du comté d’Harcourt. En 1272, Jean II d'Harcourt y reçoit le roi Philippe le Hardi (Philippe III).
C'est vraisemblablement au milieu de ce siècle, que fut ajouté l'ensemble castral aujourd'hui partiellement conservé. Ces perfectionnements apportés à la forteresse existante correspondent au modèle mis en place au XIIIe siècle par Philippe Auguste et qui se propagea en France et en Europe. Adapté de la tour du Louvre, ce modèle de fortification est formé par une enceinte régulièrement flanquée de tours et par des entrées protégées au maximum : parés de tours jumelles percées d'archères, les accès à la basse-cour forment un passage précédé d’un pont, défendu par une barbacane et enjambant un fossé. Ils comportent un triple système de protection avec herse, assommoir et vantaux. Les assises régulières en anneaux de calcaire correspondent à l’appareil répandu au milieu du XIIIe siècle. Si la modernisation des fortifications comporte un intérêt militaire évident, elle est bien souvent doublée d’un message politique fort.
De 1203 à 1338, la seigneurie d’Harcourt s’agrandit grâce à des mariages et des donations royales. En 1338, le roi de France Philippe VI de Valois érige la seigneurie d'Harcourt, alors propriété de Jean IV, en comté. Jean le Bon fera exécuter Jean V d'Harcourt le 5 avril 1356 à Rouen après son arrestation par le roi lors du banquet de Rouen. Jean V était mêlé aux complots du roi de Navarre, Charles II, et était présent lors de l'assassinat du connétable Charles de La Cerda. La veuve de Jean, avec ses huit enfants sont chassés de chez eux et tous leurs biens saisis. Son oncle, Geoffroy d'Harcourt, se révolte et s’allie à nouveau avec Édouard III à qui il lègue son domaine de Saint-Sauveur-le-Vicomte à sa mort en novembre 1356.
Jean VI rentré en grâce s'était vu restituer, vers 1358, par le dauphin, le futur Charles V le comté d'Harcourt ainsi que les terres saisies par son père Jean le Bon. À partir de 1364, et après avoir passé quatre ans en captivité à Londres où il avait servi d'otage contre la libération de Jean le Bon fait prisonnier à la bataille de Poitiers, Jean VI d'Harcourt, avec une grosse subvention royale, renforce la défense du château avec notamment la construction d'un châtelet d'entrée, conformément à l'ordonnance rendue par la roi Charles V, dont il était devenu le beau-frère.
Aux XIVe et XVe siècles, les seigneurs d’Harcourt sont les porte-paroles de la noblesse normande, ils deviennent des alliés recherchés. Les seigneurs d’Harcourt sont au cœur de la guerre opposant Français et Anglais. D’abord liés aux Anglais par fidélité au Comte d’Évreux, Jean IV d’Harcourt accorde finalement son soutien à Philippe VI de Valois, roi de France, obtenant ainsi la réunion de ses propriétés pour former le comté d’Harcourt en 1339.
Jean VII d'Harcourt, contemporain du roi Charles VI, mène au château une vie fastueuse. Il a à son service douze chevaliers, s'attache un maître de chapelle, une chorale, des musiciens, amasse une immense fortune, collectionnant l'or et l'argent, et fait de somptueux présents aux monastères. Mais le 25 octobre 1415, il est fait prisonnier à la bataille d'Azincourt, et son château, malgré un système défensif complet, est pris par les Anglais en mars 1418 lors de l'invasion de la Normandie par Henri V d'Angleterre. Ses biens sont alors donnés au duc de Clarence, Thomas de Lancastre, frère d'Henri V, puis à Thomas de Beaufort, oncle d'Henri V.
En 1416, Marie d'Harcourt, fille aînée de Jean VII, épouse Antoine de Vaudémont, et revendiqua le comté d'Harcourt à la place de sa sœur cadette, Jeanne d'Harcourt épouse de François III de Rieux. Fin août 1449, le siège est mis devant Harcourt, défendu par 140 soldats anglais. Il faut attendre le 15 septembre 1449 pour que ces derniers en soient expulsés par les comtes de Dunois, lieutenant de Charles VII, d'Eu et de Saint-Pol grâce à l'emploi de l'artillerie. Très endommagée par la Guerre de Cent Ans, la porte nord est délaissée au profit du châtelet restauré et habillé de croix de Lorraine, marques de la transmission du domaine au duché du même nom en 1452
Entre 1589 et 1591, le château de Harcourt retrouve un rôle militaire pendant les troubles de la Ligue, puis il est délaissé par la famille d’Harcourt qui vit à proximité de Paris. Entre 1589 et 1591, au cours des guerres de Religion, les troupes de la Ligue, avec le comte d'Harcourt, Charles de Lorraine, cousin d'Henri de Guise, retranchées dans le château d'Harcourt, subissent les assauts des troupes royales d’Henri III commandées par le duc de Montpensier, Henri de Montpensier, puis de celles d'Henri IV. Chaque camp prend par deux fois le château, alors fortement endommagé par l'artillerie. Charles d'Harcourt rentre en grâce et épouse Catherine-Henriette de Bourbon, fille légitimée d'Henri IV et de Gabrielle d'Estrées. Au sortir de la guerre, le domaine revient à la famille de Rieux puis à partir de la seconde moitié du xvie siècle à la puissante maison de Lorraine-Guise.
Au XVIIIe siècle, la forteresse Harcourt perd tout intérêt militaire. Le château d'Harcourt est progressivement délaissé par la famille d’Harcourt. Au XVII e siècle, les descendants des Harcourt vivent à proximité de Paris et fréquentent la cour de Louis XIV. Petit-fils de Charles de Lorraine, Alphonse Henry de Lorraine épouse en 1667 Françoise de Brancas, dénommée la « Princesse d’Harcourt ». Elle est un membre de la très haute aristocratie, dame du palais de la reine, puis confidente de Madame de Maintenon. Elle fait partie du très critiqué ordre des dévots.
Héritière directe du domaine en 1695, elle s’évertue à redorer le blason des Harcourt en métamorphosant le vieux château fort en une résidence moderne, plus conforme aux goûts et au confort de son époque. Marie-Françoise de Brancas, entreprend de la réaménager afin de la rendre plus habitable et de l'adapter au goût classique. Jusqu’en 1704, elle redéfinit et redessine les espaces de son nouveau domaine. Françoise de Brancas donne deux visages au Château de Harcourt effaçant à l’Est le logis médiéval et conservant à l’Ouest les vestiges féodaux, ancrage d’une longue lignée. La façade remaniée est recouverte de pierres calcaire et d’un enduit redessinant un appareil régulier. Elle est ponctuée de deux portes, de hautes fenêtres laissant entrer lumière et air, ainsi que de discrètes corniches soulignant les étages.
La façade est remaniée, Marie-Françoise de Brancas détruit trois côtés du château polygonal pour y installer un jardin d'agrément. Pour séduire la Cour de Versailles, le château est alors transformé pour intégrer un parcours scénographié menant de l’entrée du domaine à son logement puis aux jardins qui l’agrémentent. A l’intérieur, des appartements sont aménagés : le rez-de-chaussée est surélevé pour assainir l’édifice, des parquets et des lambris colorés sont posés et un escalier monumental en pierre et fer forgé est installé pour accéder aux étages. Le puits creusé à même la roche au XIIe siècle, situé à l’extérieur du Château de Harcourt a été déplacé. Il est creusé à 66 mètres de profondeur, dont 33 mètres sont maçonnés. C’est sans doute à la fin du Moyen Age qu’il a été muni d’une roue de 3,20 mètres de diamètre.
Après la Révolution, le château, qui a échappé à la ruine, est mis en vente. En 1802, Louis-Gervais Delamarre, un avoué parisien, l'acquiert pour y créer un arboretum composé d'essences rares, dont notamment deux cèdres du Liban. À sa mort, en 1827, il lègue Harcourt à l'Académie royale d'agriculturenote, qui laisse un ouvrage dédié au château. Cette dernière cède par acte de donation le château et l'arboretum au département de l'Eure. Depuis le 1er janvier 2000, le conseil départemental de l'Eure en est le propriétaire.