Dès 1300, les archives font état d'échanges fluviaux entre Ivry et Rouen via l'Eure, puis la Seine. Charles VII, au milieu du XVe siècle, ordonne aux baillis d’Évreux et de Chartres de « mettre ladite rivière de Chartres à la Seine, en telle disposition et ordonnances que les vaisseaux et bateaux y pussent passer ». Dans un compte de la baronnie d'Ivry, il est dit que « du 1er octobre 1547 au dernier jour de septembre 1548, il est passé par Ivry 437 bateaux montants et 367 descendants ». Ivry-la-Bataille s'est notamment illustrée le 14 mars 1590 en devenant le théâtre de la victoire, sur une plaine voisine, d'Henri IV sur les Ligueurs. Une pyramide y a notamment été érigée pour commémorer cet évènement important de l'histoire de France. Elle fut détruite pendant la Révolution française, et rebâtie sous Napoléon Bonaparte : « Le 1er novembre 1802, le premier consul Napoléon Bonaparte se rend sur les lieux de la bataille d'Ivry ». Au fil des siècles, la commune s'est peu à peu développée, prenant le visage qu'on lui connaît aujourd'hui, notamment grâce au développement de ses tanneries.
Un parcours offre un panorama sur la ville d'Ivry-la-Bataille, parcourue par l’Eure et riche de vannages et moulins, témoins d’un riche passé industriel. Au détour des rues au noms suggestifs, "rue des belles femmes", "rue de la porte à bateaux", ou la "rue de la prison",... et d'autres qui évoquent quelques passages forts de l’histoire de France découvrez les maisons normandes à pan de bois, la porte de l'ancienne abbaye, l'église Saint-Martin et ses vitraux... Pour débuter votre balade, après avoir stationné votre véhiculle, direction les vestiges du château d’Ivry, forteresse médiévale des Xe et XIIIe siècles, entièrement détruit en 1424.
Situé sur un promontoire, au bord du plateau en forte avancée qui domine de 70 m la vallée de l'Eure et le bourg d'Ivry-la-Bataille, il constituait un point de contrôle visuel du pays environnant. Du fait de sa situation, cette forteresse défendait les frontières sud-orientales du duché de Normandie, enjeu stratégique entre la couronne de France et celle d'Angleterre, aux confins de la Normandie et de l'Île-de-France, face au Pays Chartrain. Il surveillait notamment le pont qui enjambe l'Eure à cet endroit. Ce verrou sur la vallée de l'Eure, s'inscrit dans la ligne de défense où l'on retrouve le château de Saint-Clair-sur-Epte, celui de Gisors... Le site, qui a servi de carrière de pierres, dévoile encore quelques pans de murs solides de la plus ancienne forteresse de France, d'un vrai joyau historique ! Le château d'Ivry a été construit en effet à une époque, où la majorité des constructions seigneuriales étaient encore des mottes couronnées d’une tour de défense en bois et dont la basse-cour se résumait à quelques bâtisses sommaires blotties derrière une palissade. En arpentant les ruines, vous mesurerez l’étendue de l’enceinte et la taille imposante du donjon, témoins de l’enjeu stratégique que constitua Ivry durant plusieurs siècles.
Rendez-vous à présent à la Grotte du Sabotier, elle se situe dans la garenne entourant le château médiéval et sa basse cour à mi pente du côteau surplombant la ville. Creusée dans un massif de calcaire à silex du Crétacé supérieur, on y accède par une large ouverture pratiquée dans la façade rocheuse du côteau. La Grotte du sabotier est constituée de deux caves. La courbure du bloc central montre que la cave sud fut creusée postérieurement à celle au nord. Rien ne permet de déterminer la période de leur creusement malgré le jalon que constitue la date de destruction du château. Toujours mentionnée sous l'appellation Grotte du Sabotier , ses origines remontent à plusieurs siècles.
Les aménagements structurels de la cave méridionale, mur d’occlusion de l’entrée et fosses en forme de tau, révèlent la présence d’un atelier artisanal de pelletier à la fin du Moyen Âge comme en témoigne les céramiques trouvées dans ces dernières. Son étude menée lors des fouilles effectuées, a permis de dévoiler son histoire et son évolution par l'observation de sa structure, des stigmates des divers aménagements qu'elle a connus au fil des siècles et surtout l'analyse approfondie de ses parois où de nombreux graffitis sont révélateurs de coutumes et de rites aux diverses périodes traversées.
Poursuivre vers l'Arsenal d'Ivry-la-Bataille situé face à l’église Saint Martin, devant l’entrée des caves. Aujourd’hui voué aux activités culturelles ou sportives, l’arsenal reste un élément important du patrimoine d'Ivry-la-Bataille et un témoin de l'architecture du XIXe siècle. Dès 1883, les Conseillers Municipaux d’Ivry entament une réflexion sur les besoins d’un char funéraire communal. On décide donc que dans le projet de construction d’un Arsenal on devra penser au stationnement du corbillard. Les travaux se situent sur la Place des Fêtes, près de l’église. On va un peu vite en besogne en s’accordant un morceau de terrain appartenant aux Frères les frères Lecomte-Denis. Mais ces derniers, désirant participer au développement et l’embellissement de la commune offre généreusement la parcelle nécessaire..
Le 20 mai 1897, après une doléance du corps des sapeurs-pompiers, le Maire demande à changer l’orientation de la tour de séchage afin de permettre à ces derniers une meilleure place de manœuvre. Après la seconde guerre mondiale, dans les années soixante, le corbillard « attelé du cheval communal » disparaît au profit d’un véhicule à moteur. Des modifications apparaissent nécessaires pour garer le véhicule mortuaire : élargissement de la porte, entrainant la perte du fronton, et déplacement de la cloison intérieure. En 1973 le besoin d’un centre de secours plus moderne et important se fait sentir. Un nouvel arsenal est construit rue de la bûchaille. Sur la place de l’église, l’ancien bâtiment sert au garage des anciens véhicules utilitaires, et au matériel technique de la commune. En 2008, dans le cadre de l’illumination des bâtiments municipaux, les fenêtres de la tour de séchage se colorent de rouge à la nuit tombée. Aujourd’hui après le réaménagement de la place de l’église, le vieil Arsenal retrouve son allure initiale avec son fronton original.
Edifiée au XVe siècle sur les fondations d’une église romane du XIe siècle, l’église Saint Martin d’Ivry a fait l’objet de nombreuses transformations au XVIe siècle alors que Diane de Poitier possédait la baronnie d'Ivry. Diane de Poitiers voulait y établir un Chapitre, mais l'ouvrage ne fut pas poursuivi. Il reste de cette première construction quelques sculptures au chevet. La flèche et les voûtes furent arrachées par la foudre en 1664 tandis qu'un ouragan démolissait le toit en 1688. Sur le chevet, on peut lire l'inscription « Temple de la raison et de la philosophie », vestige des transformations des lieux de cultes chrétiens en cultes révolutionnaires (automne 1793-été 1794), avec en dessous la devise « Liberté. Égalité. Fraternité ».
Durant les siècles suivants d'importants travaux ont contribué de donner à l'édifice son aspect actuel tout en préservant et mettant en valeur se qui subsiste de son passé historique et architectural. Extérieurement, outre sa tour-clocher qui date du XVe siècle, l’église Saint Martin d’Ivry offre au regard son pignon découvert et un ensemble d’éléments architecturaux qui révèlent son évolution et son histoire. De style gothique flamboyant, elle présente une très belle voûte en berceau, abrite la cloche qui sonna la victoire de la bataille d’Ivry par Henri IV, le 14 mars 1590 et est ornée de 11 vitraux remarquables du XIXe siècle. Le site dévoile aussi des fonts baptismaux du XIVe siècle, une Vierge à l'Enfant en pierre polychrome du XVe ou encore une statuette sur fût de colonne représentant le Christ à la flagellation. De nombreux tableaux ainsi que tout un ensemble de sculptures, d'objets, de mobiliers et de détails architecturaux enrichissent cet ensemble.
Engagez-vous sur votre droite dans la Rue de Garenne jusqu'à la Maison dite « d'Henri IV ou de l'Ange », face à la rue du même nom. Une tradition fausse prétend que le souverain y aurait séjourné après la bataille d'Ivry. Mais c’est faux, l’histoire prouve qu’au soir de la victoire, le roi était à Rosny-sur-Seine chez son ministre Sully. C’est une construction à pans de bois du XVIe siècle, dont le rez-de-chaussée est, depuis toujours, réservé aux activités d’artisanat ou de commerce. Propriété privée, la maison n'est pas accessible au public mais vous pouvez la contempler et admirer son architecture. Le mur gouttereau donnant sur la rue de Garenne, est à pan de bois avec un décor sculpté dont des engoulants : têtes animales monstrueuses qui encadrent les sablières et des représentations humaines ou animales qui rehaussent les poteaux au niveau de l'encorbellement. On peut également voir au-dessus d'un profil féminin encadré dans un médaillon, Saint Martin.
A proximité, une autre maison mérite votre attention, la Maison du Bailli située entre la ruelle du Bailli et la rue des belles femmes. Propriété privée depuis de nombreuses années la Maison du Bailli ne se visite pas. Les passionnés d'histoire et d'architecture qui hélas ne peuvent qu'en admirer l'extérieur et l'organisation de la cour intérieur lorsque le porche est ouvert. Le porche d'entrée principale de la Maison du bailli s'ouvre sur la rue de Garennes. Il est formé de jambages en pierres maçonnées amorçant en partie supérieure une anse de panier et il est surmontée en partie haute d'un arc en accolade réalisé en pierres sculptées. L'appareillage du mur offre au regard une alternance de bandes horizontales constituées soit de pierres soit de briques plates.
Selon certaines recherches, il semble que l'arche en accolade fut autrefois surmonté du blason de la noble famille Le Gendre. Les Le Gendre sont connus depuis le XIIIe siècle pour avoir servi Philippe Le Bel contre les Flamands mais également pour avoir été de descendance en descendance bailli d'Ivry jusqu'à la révolution et propriétaire de la maison durant une longue période. Situé dans le prolongement de l'enfilade des bâtiments secondaires, la construction dite Tour carrée fait l’angle de la ruelle du Bailli et de la rue de Garennes. La cour, probablement totalement pavée au XVe siècle, se résume aujourd'hui à une large allée principale dans le prolongement du porche d'entrée coté rue de Garennes et un grand espace de verdure arborés ramifiée d'accès aux divers bâtiments qui encerclent l'espace.
Jusqu'à ce jour rien ne permet de déterminer avec précision à quelle date la première construction, correspondante à l'emplacement de l'actuelle Maison du Bailli, a été réalisée. nous savons uniquement que la plus ancienne référence de la présence d'un bailli à Ivry est celle de Guillaume de Mirebel, décrit comme bailli du comté d'Ivry en 1300. La construction actuelle de la Maison du Bailli remonte au XVe siècle. Une période à laquelle, les recherches effectuées nous apprennent qu’en 1456, elle apparaissait déjà comme une cour de justice située dans l’enceinte fortifiée de la basse ville prés de l’entrée dite Porte de Garennes.
Suivre la rue des belles femmes qui débouche dans la rue Henri IV, ancienne Grand-Rue, artère principale du bourg au milieu de laquelle s’élevait autrefois les halles supprimées au XIXe siècle. Au niveau du pont, profitez de la vue puis tournez à droite dans la rue de la Porte à bateaux, admirez au passage les vannages de la Porte à bateaux. Rendez-vous jusqu'au portail de l'Abbaye Notre-Dame d'Ivry. Ce portail, hélas très mutilé à la Révolution, est le seul vestige apparent de l’Abbaye Notre-Dame du XIIe siècle. Il a sans aucun doute été sculpté par l’Equipe du Portail Royal de la Cathédrale de Chartres. On y retrouve, sur les claveaux encore lisibles, le thème de l’Apocalypse, ainsi que des statues colonnes, dont une seule est encore en place. On sait que le tympan détruit montrait un Christ en Majesté, entouré des quatre Evangélistes. Quelques traces de polychromie sont encore visibles.
Revenir vers la rue Henri IV, tournez à gauche en direction des Moulin vannages. La rivière d’Eure a été navigable de très bonne heure, son cours a été également utilisé pour créer une force motrice. Des moulins ont vu le jour au fur et à mesure du temps pour le meulage de la farine, le foulonnage, le travail du cuir, l’entraînement de tours et outils divers. Sur le site de l’ancienne abbaye : les moines avaient déjà mis en place cette structure. En 1804 une filature de coton s’installe. Dans la nuit du 23 au 24 Avril 1869 un incendie détruisit les ateliers de cette usine hydraulique où s’étaient établis des fabricants de peignes, d’ouvrages en ivoire, de la passementerie et d’instruments de musique.
Les grands moulins ou Moulins l’abbé avaient été construits probablement au XVIIe siècle et détruits tout début du XXe. Il ne reste aujourd’hui que les locaux du grand restaurant réputé et deux roues abritées dans deux maisonnettes au bord du pont. Leur fonction première semble avoir été de moudre le blé : les moines y percevaient des taxes, puis des ateliers artisanaux s’y sont greffés pour utiliser la force motrice. Le moulin de la Portelle : c’est celui qui se situe un peu en retrait des précédents. Les tanneries qui oeuvraient dans ce quartier ont pu l’utiliser pour laver et traiter les peaux. C’est le site principal d’Ivry dans la facture d’instruments de musique : la famille Thibouville s’y installa dès 1871. Les jolis murs de briques virent passer plusieurs générations de luthiers. Depuis 1981 il n’existe plus d’activités artisanales à cet endroit : Mr Camboulive y a aménagé un gîte rural en conservant tout le cachet de l’ancienne usine. Dans les bâtiments plus près de la rue différents ateliers se sont succédés : des peignes, au milieu du XXe siècle se sont installés les établissements Solido puis plus récemment une laverie.
Revenez sur vos pas, tournez à gauche dans la rue du Dr Bihorel, puis à droite dans la rue du 11 Novembre. Le lavoir d’Ivry est bien conservé, on peut encore faire fonctionner les crémaillères et rouages pour lever ou abaisser le plancher selon la hauteur du niveau de la rivière. Depuis le début de XXIe siècle, des programmes de sauvegarde, de rénovation permettent de sauvegarder ces petits bâtiments du patrimoine rural et rétablir leur histoire. Avant l’arrivée de l’eau courante, chez les ménagères, le lavoir avait un rôle social très important. On y causait, on y papotait, on se donnait les nouvelles du village et de la région. Un ordre social y régnait : les professionnelles occupaient les meilleurs endroits, puis venaient les mères de famille et enfin les domestiques.