Que vous soyez passionné d’histoire, ou curieux de découvrir la beauté architecturale normande ou encore simplement en quête de spiritualité, l’abbaye de Graville est une destination incontournable sur la route de vos vacances. Laissez-vous envoûter par la magie de cet endroit paisible et laissez votre esprit s’élever vers des horizons spirituels. L'Abbaye de Graville, constituée d’une église et de bâtiments conventuels, domine l’embouchure de la Seine entre le Havre et Harfleur. L’Abbaye est, parmi les grands établissements religieux installés en bord de Seine, le plus en aval. Il faut gravir la colline, à travers les terrasses ombragées de haies d’ifs et de buis, pour s’approcher lentement de l’Abbaye de Graville et en mesurer toute l’importance, mais aussi pour profiter d’une vue imprenable sur la ville du Havre.
Aussi loin que l’on s’en souvienne... Le site de Graville est un lieu de culte connu depuis les temps les plus reculés, il conserve des traces d'occupation antique. Dès la fin de l’époque mérovingienne, des ermites vivaient dans les falaises au VIe siècle : on constate encore aujourd’hui, dans des grottes naturelles au nord-est du chœur de l’église prieurale, la présence d’aménagements en pierres de taille. Les origines de l’église Sainte-Honorine sont vraisemblablement liées à une mission de saint Vigor, évêque de Bayeux au milieu du VIe siècle. Depuis le Moyen Age, Abbaye Sainte-Honorine de Graville a connu des moments de grande prospérité et de rayonnement, mais aussi de violence face aux aléas de l’histoire. Abbaye Sainte-Honorine de Graville a brûlé en 1787 et la plupart des archives se sont volatilisées. Mais tous les indices encore en notre possession laissent entrevoir un établissement d’importance. Si le site fut bien un prieuré au cours de son histoire, il est mentionné comme une abbaye sur de nombreux plans anciens et le vide de documentation laisse penser que l’appellation d’abbaye paraît justifié.
Le village de Graville primitif était probablement situé au pied du coteau formé par la falaise morte de la Seine, sur le tracé de la voie gallo-romaine reliant Harfleur à Saint-Denis Chef-de-Caux. La découverte en 1869 d’un groupe de sépultures en pleine terre sous la motte du château des Malet, à proximité d’une source, peut en effet indiquer la présence d’un premier lieu de culte à cet endroit. Toutefois, aucune donnée archéologique ne nous renseigne sur la nature de l’habitat associé à ce cimetière ni sur ses éventuels antécédents antiques. On ignore également la première dénomination du lieu : le vocable de Graville, formé sur le nom d’homme médiéval Gérard ou Girard, ne peut guère être très antérieur au Xe siècle. En dépit d’une documentation écrite très clairsemée, nous sommes un peu mieux renseignés sur les conditions qui présidèrent vers la fin du XIIe siècle à la fondation du prieuré Sainte-Honorine, en remplacement d’une collégiale du XIe siècle qui avait elle-même succédé à un ermitage mérovingien, ainsi que sur l’histoire de la famille fondatrice, les Malet de Graville, célèbre lignage de barons normands au temps des ducs.
En l’absence de textes pour la période mérovingienne, on ne peut être certain que le site de Graville corresponde à la seconde fondation mentionnée dans la Vie de saint Vigor. La configuration des lieux, une église construite à flanc de coteau avec un abri sous roche derrière le chevet, ainsi que les caractéristiques du « tombeau de sainte Honorine », grand sarcophage monolithe de la fin de l’Antiquité ou du début de l’époque mérovingienne, sont cependant les indices d’un établissement érémitique de haute époque.
Les légendes ont nourris comme bien d’autres, le vide historique ou scientifique. Sur l'origine de la sainte Honorine par exemple. L'abbatiale de Graville est dédiée à sainte Honorine, patronne des bateliers. Il est attesté, aujourd’hui, que l’histoire des reliques de Sainte Honorine, est liée aux religieux venus de Bayeux au VIe siècle. La légende veut que cette sainte soit originaire de Mélamare où elle aurait été martyrisée en 303, sous le règne de l’empereur romain Dioclétien. Le nom même de Mélamare n'est pas antérieur au Xe siècle et on ne conserve aucune trace d'un nom antérieur avec une substitution de toponyme comme c'est le cas pour Harfleur par exemple.
Une autre légende voudrait que Sainte Honorine ait été jetée dans la Seine par des païens de Lillebonne pour venir s’échouer au niveau de l’abbaye.Mais on sait que de fait, les reliques de sainte Honorine ne sont arrivées à Graville qu’à la fin du IXe siècle. Ces légendes sont loin de la réalité historique.
Les religieux de Graville ont bien abrité les reliques de la sainte, sous le règne d’Eudes Ier (888-898), bien que le lieu même de Graville ne soit pas mentionné avant l'année 1148. Lors des attaques Vikings, Eude réussi à obtenir momentanément une zone de paix le long de la vallée de la Seine, de Paris à son embouchure. Cependant durant l'hiver 889-890, à la suite d'une défaite militaire, les nordiques se dirigent vers la Bretagne à l'est et s'approchent dangereusement de Coutances et de Bayeux.
On assiste alors à de grands exodes de corps de saints vers l'est, Rouen accueille par exemple les reliques de saint Lô et de saint Romphaire. Les reliques de sainte Honorine semblent à ce moment être conservées dans le diocèse de Bayeux, et doivent elles aussi être mises en sécurité. Puisque de nombreux indices laissent supposer de forts rapports entre Sainte-Honorine de Graville et l'évêché de Bayeux, on suppose alors que les reliques sont mises en sécurité à Graville à ce moment, autour de 890. Après la mort d’Eudes Ier, les reliques furent à nouveau menacées par des nordiques, et c’est là qu’elles prirent le chemin de Conflans-Sainte-Honorine en 898.
Toutefois, bien que le corps de la sainte ait quitté le prieuré, le culte de Sainte Honorine reste très fort à Graville. Le recueil des miracles de Conflans, dont le récit couvre jusqu’au XIVe siècle, nous rapporte un épisode qui expliquerait la persistance du culte jusqu'à aujourd'hui. Une riche dame aurait fait fouiller le sarcophage vide, et via le trou percé dans ce dernier, un chevalier parvient à ramener un peu de sang de la sainte, en plus d’une de ses vertèbres. Si on remet en perspective avec la situation du prieuré de Graville au XIIIe siècle, moment de reconstruction des bâtiments conventuels, du chœur et du cloitre, on comprend alors l’intérêt de relancer le culte de la sainte en s’appuyant sur cette légende. Autrement dit, la présence de reliques de la sainte récemment retrouvées, permettent un afflux de pèlerins, c’est-à-dire une rentrée d’argent stable et abondante. C'est à ce moment que naissent les légendes faisant de sainte Honorine une sainte locale.
Le site de Graville devint lieu de pèlerinage lorsqu’il accueillit les reliques de Sainte Honorine, elle accueillait en effet de nombreux pèlerins étant donné que la sainte était réputée pour guérir de la surdité. La présence d'une collégiale sur le site de Graville est attestée probablement dès le IXe siècle. Entre la fin du Xe et le début du XIIe siècle, le duché de Normandie compta près d’une trentaine d’établissements de clercs séculiers. La plupart de ces collèges de chanoines furent fondés par de grandes familles de barons auprès de leur résidence principale, manoir familial ou château. À la différence des moines bénédictins, qui vivaient cloîtrés, les chanoines bénéficiaient d’une certaine liberté de mouvement.
Chacun d’entre eux disposait d’un fond de ressources propre, la prébende, et d’une maison particulière où il était libre de se retirer en dehors des heures communes réglées par les offices. Rarement très nombreux, pas plus d’une douzaine le plus souvent, ces clercs étaient au service de leurs patrons laïques. Leur fonction première était de prier pour le repos des âmes des défunts, mais ils assumaient aussi souvent auprès des membres de la famille les rôles de chapelains, de secrétaires, de précepteurs ou de médecins. Après avoir occupé une place de premier plan dans la vie religieuse du duché, les collégiales furent presque toutes supprimées avant la fin du XIIe siècle, pour être converties en prieurés ou remplacées par des établissements réguliers. Elles n’ont, pour cette raison, laissé que très peu d’archives.
À Graville, le plus ancien acte conservé est une charte des environs de 1200, postérieure d’un certain nombre d’années à la transformation du lieu en établissement de chanoines augustins. La seule allusion au collège de clercs primitif se trouve dans un document de la première moitié du XIIe siècle, le récit de la translation des reliques de sainte Honorine à Conflans : au prix d’un anachronisme sans doute involontaire, l’épisode étant censé se dérouler sous le règne de Charles le Simple (893-922), l’auteur évoque la présence de clerici à Graville.
C’est à Guillaume Malet, seigneur de Graville et compagnon de Guillaume le Conquérant que l’on doit les premiers élans de l’église abbatiale romane que nous pouvons encore aujourd’hui admirer. Après l'installation des premiers moines bénédictins, Guillaume Malet, compagnon de Guillaume le Conquérant, rentrant vainqueur de la Bataille d’Hastings, lui donne toute sa grandeur au XIe siècle. C'est à lui que nous devons les premiers élans de l’église abbatiale romane que nous pouvons encore admirer aujourd’hui. Une charte de 1203 rapporte que Guillaume Malet, compagnon de Guillaume le Conquérant, rentre vainqueur de la bataille d’Hastings, et fonde le prieuré de Graville, qui dépendra de Sainte-Barbe-en-Auge. La charte fixe précisément le nombre de chanoines et les règles à suivre, mais aussi détaille la série de dîmes, de droits d'usage et de patronages donnés au prieuré.
Des frères du monastère de Sainte-Barbe-en-Auge : Chanoines Réguliers de Saint Augustin, furent ainsi dépêchés à Graville pour édifier un premier monastère sur une terre appartenant à Guillaume Mallet. Dans la charte de 1203, Guillaume Malet, cède au prieuré les patronnages de Saint-Valéry-de-Fontaine, Saint-Michel-de-Grandcamp, Saint-Sulpice-d'Onvéville, Saint-Nicolas-de-Grandcamp, Saint-Nicolas-de-Tennemare, Saint-Michel-du-Coudray, Saint-Pierre-d'Ermeville, Saint-Martin-de-Cloville, Saint-Pierre-de-Gonneville et de Saint-Sauveur-la-Campagne, dans une autre charte : des droits d'usage dans la forêt des Halates, et dans deux autres chartes : dix acres de terre à la Mare-Blonde et un moulin à Rouelles. Nous ne connaissons pas le détail des donations des générations qui lui ont directement succédé à Guillaume Malet, en revanche, nous savons que Guillaume Nolasque de Graville, seigneur de Graville et baron d'Eye entreprend la construction des bâtiments conventuels fin du XIIe siècle - début du XIIIe siècle, dont il subsiste aujourd'hui des traces dans la salle capitulaire.
L’ampleur et la qualité des parties romanes de l’église de Graville compensent fort heureusement ce silence des textes : manifestement, un édifice d’importance majeure a remplacé, vers le dernier quart du XIe siècle, l’oratoire primitif du haut Moyen Âge. Au début du XIIIe siècle, Robert II Malet de Graville favorisa les moines. En 1200 et 1203, il leur octroya des dîmes et des patronages sur plusieurs églises comme Saint-Valéry-de-Fontaine, Saint-Sulpice d'Onvéville, Saint-Martin-du-Coudray, Saint-Pierre-de-Gonneville... L'abbaye fut en partie reconstruite au XIIIe siècle avec les deniers du seigneur de Graville. Le chœur de l'abbatiale, cloître et la salle capitulaire furent alors remaniés en style gothique.
Le 1er mai 1252, le journal d’Eudes Rigaud, archevêque de Rouen de 1248 à 1275, mentionne qu’il souhaite restreindre l’accès au chœur de l'église paroissiale, et donc la vénération des reliques, aux laïcs. Les diverses fouilles effectuées aux XIXe et XXe siècles n’apportent aucun indice lié à son existence, et aucun stigmate n’est visible dans l’architecture. La présence d’une cloison en dur est donc à écarter. D’autres matériaux ont pu être utilisés sans laisser de trace, mais ni la construction, ni la présence de cette cloison n’étant évoquée dans les textes, son existence est donc tout de même remise en cause.
En 1256, Jean II Malet de Graville donna la moitié du moulin de Rouelles à la communauté, et en 1260, dix acres de terre à la Lande-Alart. En 1346, Jean IV Malet confia une terre aux chanoines située également à La Lande Alart. Au cours de son histoire, l'Abbaye Sainte-Honorine de Graville a accueilli les grands de ce monde comme quartier général : Philippe le Bel en Août 1295, Henri V de Lancastre, roi d'Angleterre en août 1415, Charles Ier de Cossé, maréchal de France et Charles IX en 1563. Le cœur de Louis Malet de Graville, amiral de France a été déposé dans l'église. Avec la guerre de Cent Ans, l'abbatiale subit des dégradations. En 1360, pendant la guerre de Cent Ans, Honfleur est aux mains des Anglais. La tour Nord du massif occidental de l'église prieurale est partiellement détruite de peur qu’elle ne serve de lieu d’observation aux Anglais. La tour Sud a totalement disparu pendant les guerres de religion.
Enfin en 1563, pendant les guerres de religion, le Havre change de mains plusieurs fois, et durant un temps l’église aurait été utilisée comme écuries. Naturellement durant ces événements, peu de soins sont accordés à la conservation de l’édifice. En 1641, ce sont les génovéfains de la congrégation de Saint-Maur qui s’installent à l'Abbaye Sainte-Honorine de Graville, apportant de nouvelles modifications aux bâtiments et de nouvelles règles. L’abbatiale fut alors séparée en deux parties, l’une destinée aux paroissiens, l’autre aux moines. Jusqu'à la Révolution française, l'église sera donc partagée en deux : le choeur pour la communauté religieuse et la nef pour les paroissiens. C'est à Eudes Rigaud, archevêque de Rouen de 1248 à 1275,que nous devons cette séparation. Cela créa des confusions historiques puisque les deux parties prirent des dédicaces différentes, la nef s’appelant Notre-Dame des Bruyères et le chœur, église Sainte-Honorine. C’est ainsi que certains historiens cherchèrent une deuxième église.
Dans le chœur, un remarquable retable baroque prend place dans les premières années du XVIIe siècle. Les génovéfains installés à Graville ont compté parmi eux de grands savants, astronome et naturaliste, comme les chanoines Pingré ou Ventanat. Les bâtiments conventuels sont reconstruits au XVIIIe siècle. Ils seront en partie détruits par un incendie en 1787. En 1840, il est décidé d’entrer dans une phase de travaux importants afin de préserver l'Abbaye Sainte-Honorine de Graville de la ruine et de retrouver un état d’origine. L’architecte désigné pour la restauration est Charles Louis Fortuné Brunet-Debaines, architecte de la Ville du Havre. Le petit porche au Nord de la nef, visible sur certaines gravures anciennes, est supprimé.
A l’intérieur de l’église Sainte-Honorine de Graville, la galerie ogivale à l’est de la nef est également supprimée pour retrouver le plan primitif de l’église. La croisée du transept est restaurée. Des fouilles menées par Albert Naef sont entreprises en 1890. Elles ont largement contribué à faire connaître l’Abbaye. En 1909, c’est au tour du pignon et du transept Nord d’être restaurés. L’attention est alors portée aux salles basses, elles seront à leur tour classées Monuments Historiques en 1921. En 1944, l'église, et plus particulièrement le chevet, sont endommagés. Après restauration, la nef et le transept sont rouverts en 1982, puis le chœur quelques années plus tard.