Partout le passé a laissé son empreinte dans le patrimoine que nos prédécesseurs parfois très lointains nous ont laissé. L’abbaye de Saint-Wandrille occupe un très ancien site monastique dans le vallon de Fontenelle proche de la Seine entre le Havre et Rouen. Cette abbaye normande est bien différente de celle de Jumièges et de la plupart des abbayes normandes puisqu’elle accueille toujours une cinquantaine de moines, avec la possibilité d’assister à la messe du matin, chantée en grégorien et visites guidées de l’abbaye tous les week-ends de l’année.
Cet étroit vallon de la Fontenelle, là où coule, dans un silence apaisant, une modeste rivière affluente de la Seine, a toujours été un coin de paysage rayonnant de haute spiritualité. Entourée de forêts touffues et jadis formée de marécages, c’est une oasis de silence propice à la méditation et à la prière. Les majestueux bâtiments des XVIIe et XVIIIe siècles sont entourés de bois et de champs. la communauté prie dans une ancienne grange remarquablement aménagée avec une charpente du XVe siècle. Fondée en 649 par Saint Wandrille, l’Abbaye de Saint-Wandrille a connu une longue histoire avec trois grandes périodes de destructions : celles liées aux incursions des Vikings, puis celles engendrées par les guerres de Religion, et enfin celles consécutives à la Révolution française.
L'Abbaye de Fontenelle, est célèbre pour sa bibliothèque et ses écoles. En 831, sera écrite « la Geste des abbés de Fontenelle » qui reste aujourd’hui la plus vieille histoire d’un monastère d’occident connue. Cette période verra l’abbaye de Fontenelle produire un nombre important de futurs saints. Saint Wandrille : est attesté sous les formes sancti Wandregisilli et sancti Wandregisili en 1006 et 1007, Sancto Wandregisilo vers 1060, Sancti Wandresili en 1066. Tout commence avec Saint Wandrille, à la personnalité marquante. Saint Wandrille, surnommé aussi Wandon, en latin Wandregisilius, du germanique Wandergisel… Noble franc de l’époque mérovingienne originaire du pays de Verdun, devient intendant des domaines royaux, puis quitte la cour de Dagobert 1er pour entreprendre un pèlerinage monastique qui le conduira jusqu’ en Italie du nord et dans le Jura. Il s’établit dans de vallon de Fontenelle à la demande de Saint Ouen, évêque de Rouen, le 1er mars 649.
Des vikings à la Révolution... Une décennie plus tard, les vikings se chargent des richesses de l’Abbaye de Fontenelle qui fut finalement détruite après plusieurs invasions. Il faudra attendre la fin du millénaire pour voir les ruines de nouveau occupées et ce, par des bénédictins. C’est à ce moment que l’abbaye prend le nom du fondateur Wandrille. L’abbaye qui sera reconstruite au XIIIe siècle après un incendie, continue de rayonner. La Révolution provoquera la dispersion des moines et un nouveau délabrement des bâtiments. Les moines bénédictins ne reviendront définitivement qu’en 1931 dont Dom Pothier, le rénovateur du chant grégorien.
Aujourd'hui, l'abbaye de Saint-Wandrille est l'un des sites touristiques les plus visités de la vallée de la Seine, elle se trouve au centre du village de Saint-Wandrille-Rançon. Les ruines de l'abbatiale Saint-Pierre sont librement accessibles. La nouvelle église abbatiale peut être visitée en dehors des offices. Arrivé sur la place du village, on entre à l’abbaye par la jolie porte du Pélican qui donne accès à l’avant-cour bordée des bâtiments mauristes, dont les frontons s’ornent de décors du XVIII e siècle de style rocaille. Ils forment la limite de la clôture, cet espace réservé à la vie quotidienne et aux activités des moines.
L'abbaye est célèbre pour sa richesse architecturale. Aujourd’hui il ne reste que quelques vestiges de l’abbatiale Saint-Pierre : les bases des piliers de la nef et les colonnes du bras gauche du transept. Le chœur gothique comptait six travées droites et une abside. Les arcades, en tiers-point, reposaient sur des piliers cylindriques dans la tradition du chœur de Notre-Dame de Rouennote. L'entrée du chœur était fermée par un jubé, détruit en 1631 et remplacé en 1672 par un autre orné de statues. Un déambulatoire faisait le tour du chœur et s'ouvrait sur dix-sept chapelles rayonnantes carrées ou pentagonales correspondant aux travées du chœur, comme à l'abbaye de la Trinité de Fécamp. Il y avait ainsi les chapelles Saints-Sébastien-Roch-et-Adrien, Sainte Geneviève, Saint Vulfran, Saint Éloi, les douze apôtres, Sainte Marie-Madeleine, Saint Nicolas, les Saintes Vierges, Saint Martin, Sainte Anne, le Saint-Sépulcre, Notre-Dame et Saint Benoît. Il ne reste du chœur que quelques pans de mur et des traces au sol.
Une tour-lanterne de 75 mètres se dressait sur la croisée du transept, selon la tradition normande, mais elle s'est effondrée à la suite des guerres de religion. On peut encore observer outre les deux piliers conservés, la base des deux autres piliers. Ils étaient plus massifs que ceux de la nef. Un des bras du transept a été en partie conservé et l'on peut admirer ses arcatures gothiques. Les murs de la nef sur le côté du cloître subsistent et l'on peut y remarquer les impacts de bombes laissés par un bombardement pendant la Seconde Guerre mondiale.
Au cœur du monastère le cloître gothique, en revanche, a conservé ses quatre galeries, seule celle du sud se visite. Elle fut construite au début du XIVe siècle. Le cloître, à l’admirable décor gothique flamboyant, est le seul cloître complet de Haute-Normandie, un élément majeur du patrimoine artistique national. Ce cloître a été construit sur l'emplacement de deux autres cloîtres, l'un construit par Saint Wandrille et relevé par saint Anségise et l'autre construit par Maynard Ier. L'actuel cloître date sur sa partie la plus ancienne, c'est-à-dire celle qui s'appuyait sur la nef de l'église dans la galerie sud, des premières années du XIVe siècle. Il compte sept travées en arc brisé, auparavant fermés par des vitraux au XVIIe siècle, les arcades reposent sur des piles qui s'allongent en colonnettes et renforcent les contreforts avancés sur le préau.
La voûte repose sur des croisées d'ogives elles-mêmes décorées. Sur chaque clé de voûte on trouve des armes de l'Abbaye Saint-Wandrille, puis celle de l'abbé Jean de Brametot, et un groupe de six personnages. Les galeries de l'est, ouest et nord sont plus basses et datent du gothique flamboyant (1410-1530). C'est sur la galerie est que s'ouvre la porte de la sacristie (refait par M. de Stackpoole). Le cloître de l'abbaye abrite la statue de Notre-Dame de Fontenelle, Vierge à l'Enfant des premières années du XIVe siècle en pierre blanche calcaire de la vallée de la Seine. Le cloître vient de retrouver sa beauté grâce à une récente restauration. Tant le sol avec ses tomettes et dalles Aumulaires, que les arcades et les clés de voûte représentent un ensemble architectural de grande valeur. Le lavabo et l'entrée du réfectoire sont un chef d'œuvre de sculpture flamboyante et Renaissance, de même la statue de Notre Dame de Fontenelle et le portail du Couronnement de la Vierge à l'angle des galeries Sud et Est.
Le grand réfectoire de l'Abbaye Saint-Wandrille est la partie la plus ancienne de l'abbaye, vaste nef de trente-trois mètres cinquante de long et neuf mètres de large. Le temps de la construction remonte à l'an 1027, sur la paroi qui longe le cloître et sur celle de l'est, court une arcature romane de la fin du xiie siècle, qui a disparu au XIVe remplacée par un mur percé de sept fenêtres. Le vaisseau est recouvert d'une haute voûte de bois en arc brisé du XVIe. Depuis la restauration de la vie monastique en 1931, la salle est encore utilisée comme réfectoire, où le repas commence par le bénédicité et les grâces, et pendant le repas est lue la « lecture de table ». En outre, les repas sont soumis à « la tradition du silence », comme l'ensemble des tâches dans l'abbaye, sauf exception.
La nouvelle église, destinée en partie à accueillir le public, remplace l'église gothique trop mutilée pour être reconstruite. À l'origine, il s'agit d'une grange seigneuriale qui se trouvait à Canteloup dans l'Eure. C'est un édifice en silex épaulé par des contreforts en pierre de Caen. Un toit de tuile remplace l'ancien en chaume. À l'emplacement des entrées latérales pour piétons et charrois, les moines ont bâti la chapelle du Saint Sacrement. Deux nouveaux porches ont été ouverts sur la façade et donnent accès à l'intérieur de cette nouvelle église.
La lumière naturelle à l'intérieur est faible, malgré le percement de quelques fenêtres qui n'éclairaient pas la grange à l'origine. La charpente est une belle construction de chêne datée du XVe siècle, sur le balcon à gauche se trouve l'orgue moderne. Les murs sont blancs, l'église est chauffée par le sol. Une corde délimite les parties réservées au public (la nef) de celles réservées aux moines (le déambulatoire et le chœur). À gauche du déambulatoire, un reliquaire moderne est accroché au mur ; il contient le chef (le crâne) de Saint-Wandrille, rapatrié de Belgique pour la dédicace de cette nouvelle église.
La chapelle Saint-Saturnin, située dans les hauteurs du domaine de l'Abbaye, remonte selon certains à l'époque de Saint-Wandrille. Cependant, on date l'édifice de la fin du Xe ou début XIe siècle, car elle est bâtie sur un plan tréflé, et des restes de chapiteaux archaïques laissent penser à une reconstruction sur des fondations de l'époque carolingien. Les bâtiments conventuels sont dus aux moines mauristes, rebâtis entre 1640 et 1685 dans le style classique mauriste, concentrant les divers services en quelques bâtiments hauts et vastes. Le plan est régulier et rectiligne. Pourvues de grandes fenêtres, les nobles façades coiffées de hautes toitures percées de lucarnes, mais dépourvues de toute ornementation superflue, reflètent à la fois la majesté du Grand Siècle et l'austérité des moines mauristes. Le bâtiment de l'ouest présente une longue façade prolongée par le pavillon de la Grâce, postérieur de quatre-vingts ans. Ce bâtiment abrite entre autres la bibliothèque du monastère. Le bâtiment de l'est, quant à lui, présente une façade tronquée à la suite d'un accident au XIXe siècle. Ce bâtiment contient, entre autres, l'infirmerie de l'abbaye.
À l'extrémité du domaine, un bâtiment en longueur faisait office d'écurie et de grange. Dans la partie gothique du XIVe siècle est installée la librairie-magasin de l'Abbaye Saint-Wandrille, où le public peut accéder par une porte donnant à l'extérieur de l'abbaye. L'étage est occupé par les ateliers et bureaux de Fontenelle Microcopie, du négoce de produits d'entretien et des éditions de Fontenelle. La partie droite de ce bâtiment fut reconstruite en 1699 en style classique, elle est occupée aujourd'hui par divers ateliers. Il y avait également un reclusoir.
Au fil des siècles, l'Abbaye Saint-Wandrille a subi des dégradations successives, son architecture présente aussi la particularité d’être un vrai recueil de styles différents. De la chapelle Saint-Saturnin qui pourrait remonter à l’époque carolingienne, jusqu’aux bâtiments conventuels du XVIIe en passant par des décors de style rocaille et par la nouvelle église abbatiale, les édifices témoignent des reconstructions successives et de l’ardeur des moines à faire vivre cette abbaye. Le plus impressionnant dans la visite de Saint-Wandrille reste la voix humaine : l’office est célébré en musique avec des chants grégoriens et la pureté du chœur s’élevant vers les voûtes. Saint-Wandrille est la seule abbaye de toute la chrétienté à encore célébrer la fête de tous les saints du monastère.
L'Abbaye Saint-Wandrille dispose de plusieurs lieux d'accueil pour les personnes souhaitant faire une retraite spirituelle. Les hommes seuls ou en petits groupes sont reçus dans l'hôtellerie de l'abbaye. Les femmes et les couples à l'accueil Saint-Joseph, tout proche. Tous sont invités à participer à la prière de la communauté et peuvent demander à rencontrer un frère de la communauté pour un échange. Ne quittez pas ce lieu sans profiter d’un dernier détour à la boutique qui propose à la vente des produits de l’artisanat monastique uniques : les bonnes cires, confitures et un délicieux pain d’épices, sans oublier, bien entendu, la maintenant célèbre Bière de Saint-Wandrille.