Le quart de fief de Haubert, nommé en 1291 fief de Richard de la Court, prit par la suite le nom de Martainville. Ce quart de fief dépendait de la baronnie de Périers sur Andelle qui appartenait elle-même à l'abbaye de Saint-Ouen de Rouen. Au début du XVe siècle, le domaine était occupé par la famille Le Pelletier, commerçants enrichis, originaires de Provence. Richard Le Pelletier était possesseur de vastes domaines, notamment sur le plateau de Caux. En l'an 1450, il recouvra sa terre qui avait été aux mains des Anglais durant 32 ans. Il nourrissait l'ambition de se faire anoblir, ce qu'il obtint en 1471, moins d'un an après la promulgation des Francs-fiafs par Louis XI.
C'est son second fils, Jacques, échevin de la ville de Rouen, armateur et grand propriétaire foncier, qui acquit peu après 1481 le fief de Martainville de la vieille famille des Floques. En 1486, il est connu comme seigneur de Martainville, mais ne porte pas le nom de la terre. Ce n'est qu'un siècle plus tard que Richard Le Pelletier, seigneur de Martainville, et Charles Le Pelletier, son neveu, seigneur d'Estouteville, furent autorisés par lettres royales accordées par Charles IX le 6 avril 1571 à changer le nom de Le Pelletier en celui de Martainville qu'ils transmirent à leurs descendants. Richard acquit la charge de notaire et secrétaire du Roi, puis celle de correcteur en la chambre des comptes.
C'est en 1482 que s'opère un tournant dans l'histoire de la future commune quand Jacques Le Pelletier, fils de l'une des plus riches familles de la grande bourgeoisie rouennaise et lui-même grand armateur et marchand, acquiert la seigneurie de Martainville. Déjà propriétaire d'un hôtel particulier à Rouen où il occupe bientôt la fonction de conseiller-échevin, il fait bâtir un château à Martainville durant la régence d'Anne de Beaujeu, la sœur aînée du futur Charles VIII. La Renaissance n'a pas encore fait son apparition en France. La date de 1485 gravée sur la clef d'une fenêtre de la tour sud-est ne précise pas la date de la construction mais celle du premier aveu rendu par un Le Pelletier au suzerain dont dépendait le fief de Martainville, l'abbaye Saint-Ouen de Rouen.
Les données historiques invitent à voir une campagne de remaniement opérée par Jacques Le Pelletier lui-même. En effet, un événement majeur semble s’être produit dans sa vie autour de 1500 : Richard Le Pelletier, son frère cadet, meurt en 1499, et Jacques, qui hérite de tous ses biens, décide d'arrêter définitivement les activités marchandes de la famille. C'est sans doute à ce moment que Jacques décide de transformer sa demeure campagnarde « en forme de château ».
En 1510, le neveu de Jacques Le Pelletier décide de mettre le château féodal au goût du jour en détruisant le premier mur d'enceinte trop proche du château, comblant le fossé primitif et faisant ouvrir, dans la maçonnerie de brique, des portes et fenêtres, aux linteaux joliment galbés. Le pont-levis devenu sans objet cède la place à une porte surbaissée sous une petite loggia polygonale d'inspiration flamande-espagnole, éclairée de trois fenêtres. L'aspect général du château reste dans son état primitif, avec ses quatre grosses tours cylindriques cantonnant le corps de logis et rappelant les nécessités de la féodalité, mais la Renaissance égaie cet ensemble et surtout rend la demeure plus confortable. Durant la seconde moitié du XVIe siècle, les travaux sont interrompus par les guerres de Religion.
Le château restera par la famille Le Pelletier, devenue de Martainville jusqu’en 1757. Le dernier de la lignée meurt cette année-là sans héritier direct. En 1757, le domaine passa, par héritage, à Geneviève-Antoinette Couture, puis aux Le Viguer, Fautereau, Sénarpont et Villers, toujours par héritage. Il restera habité jusqu’en 1870 par différentes familles par le biais des successions. C’est à partir de cette date pendant la guerre franco-prussienne que le château va connaître quelques ennuis. D’abord saccagé pendant la guerre, il sera ensuite laissé à l’abandon.
En 1905, le château de Martainville sera, pour la première fois de son histoire, mis en vente. Un négociant en bestiaux acquiert l'édifice et ses terres. Il est proche de raser le château qui a souffert d’un long abandon et de l’occupation prussienne quand l'État finalement sauve ce joyau certes alors très dégradé. La ruine est consolidée puis aménagée sauvant ainsi cette belle construction médiévale. Une restauration d'ampleur débute en 1925 menée par l'architecte Henri Gosselin qui s'efforce de restituer au site son éclat d'origine. Le défi est réussi. Un temps, il est envisagé que le château accueille un lycée agricole mais en 1962, sous l'égide du Département, un musée des Traditions et Arts normands est installé. Son aménagement est confié Daniel Lavallée, enseignant et spécialiste du "Vieux Rouen".
Le château de Martainville abrite donc aujourd'hui le Musée des Traditions et Arts Normands avec de riches collections, 28 salles retraçant la vie quotidienne en Normandie : une exceptionnelle collection de mobilier haut-normand retraçant l'évolution des styles du XVe au XIXe siècle, textiles et costumes normands, instruments de musique fabriqués en Normandie. L'ethnographie de la région de Haute-Normandie est présentée sous l'aspect d'intérieurs de fermes reconstitués avec meubles et objets de la vie quotidienne aux XVIII et XIXe siècles. Une collection agricole est présentée dans les communs du château. Tous les ans, une exposition retrace un aspect de la vie quotidienne des normands à travers les siècles.
Ce panorama ethnographique est désormais complété par un espace dédié aux instruments de musique. La visite du Musée des Traditions et Arts Normands permet de ce fait d'admirer en parallèle les intérieurs du château et comprend également le parc et les communs. Ce bel exemple de l'architecture de la Première Renaissance en Normandie, est toujours entouré de ses bâtiments annexes : colombier, charreterie, écuries, four à pain, puits fermé. La découverte de l'extérieur depuis les routes est libre et gratuite. La visite du musée est payante. Renseignez vous sur les horaires.
Sur le plan architectural, le château de Martainville se présente comme un exemple de noble édifice civil de la fin du gothique, avec son logis en brique percé de baies encadrées de pierres, haut de trois niveaux, flanqué de tours rondes aux angles. En façade donnant à l'arrière, ouvrant sur des jardins de style Renaissance également rénovés, une tourelle d'escalier polygonale fait saillie. Les décors sculptés se révèlent remarquables. La grande originalité du Château de Martainville construit entre 1485 et 1495, réside dans son plan absolument symétrique, avec un ingénieux système de circulation qui permet d’obtenir une organisation claire du corps de logis.
Au rez-de-chaussée : les salles et les offices. Aux étages: toutes les pièces sont indépendantes les unes des autres. Mais si l’on ignore son origine, le plan du château répondait aux exigences de certains nobles du début du XVIe siècle de posséder un château de campagne susceptible de recevoir de nombreux convives, de disposer de chambres indépendantes les unes des autres et d’où il était possible de sortir et de rejoindre le vaste jardin d’agrément situé à proximité. Martainville aurait inspiré le plan de Chenonceau, construit par Thomas Bohier, général des Finances de Normandie.
En 2014, le château de Martainville a retrouvé ses jardins "à la française" dont la nouvelle composition florale vous fera découvrir de nombreuses variétés botaniques. Amateurs et passionnés seront attirés par l’architecture des jardins datant du XVème Siècle, et dont la composition a été repensée en 2014. La symétrie des jardins vous impressionnera dès votre arrivée, et de grandes allées symétriques vous offriront des perspectives étonnantes sur un domaine de plus de 25 hectares, avec le Château de Martainville comme point central.
Le tracé recomposé s’inspire des jardins de la Renaissance, avec comme volonté de les rendre actuels en faisant évoluer les variétés botaniques présentes sur tout le domaine. L’axe central très prononcé de ces jardins se renforce par la composition florale étudiée pour favoriser la biodiversité sur l’ensemble du parc. Les poiriers ainsi que les pommiers offrent un cadre stable et élégant aux jardins, dont la nature sauvage est quant à elle représentée en son centre par les vivaces et autres graminées qui procurent l’énergie de cet endroit. Explorez ce lieu riche en secret vous offrant une vue exceptionnelle sur le Château de Martainville.