Petit village de Seine-Maritime situé aux portes de l'agglomération rouennaise, Moulineaux offre l'image d'une paisible commune baignée par les eaux calmes de la Seine et protégée par des contreforts boisés. Le nom de la localité est attesté sous la forme molinelli au XIe siècle. Composé des deux mots moulin et eaux, le nom de la commune fait directement référence aux nombreux moulins à eau qui bordaient la petite rivière, longue de quelques centaines de mètres, sourdant au pied de la colline et rejoignant la Seine à travers les prairies. Le dernier moulin a disparu au milieu des années 1960.
Le site fut occupé dès le néolithique comme en témoigne,en 1872, la découverte dans la forêt, d'une hache en pierre polie. Les vestiges d'un cimetière gaulois ont été mis à jour lors de travaux de terrassement dans les fossés du Château de Robert le Diable. La présence d’une voie antique venant de Rouen passant par le village de Moulineaux a été attestée par la reconnaissance d’éléments de chaussée à Grand Couronne. Sur les hauteurs de Moulineaux, on domine le fleuve au nord et, au sud, la vallée creusée dans la forêt de La Londe jusqu'à Orival. Cette position stratégique exceptionnelle a fixé la destinée de Moulineaux : Poste militaire protégeant les portes de Rouen.
Les vestiges du château Robert le Diable sont situés sur une falaise, dans les bois, à 500 mètres, au sud-ouest de l'église Saint-Jacques-le-Majeur de Moulineaux. Offrant un large panorama sur le fleuve, le château et le site qui l’abrite ont vécu un passé tumultueux. Le Château de Robert le Diable attire les regards par sa puissance et développe l’imaginaire par tous les mystères qui l’entourent. Posté en vigie avec une vue imprenable sur la région de Rouen, il pouvait surveiller les deux branches d'une boucle de la Seine.
Selon André Davy, auteur et passionné d'Histoire, le château doit son nom "Le Diable" à un comte de Moulineaux, du IXe siècle, Robert, fils du duc Aubert, qui occupa le château. D’après la légende née au XIIe et colportée jusqu’au XIXe siècle, Indre épouse d’Aubert, duc de Normandie, ne pouvant pas avoir d’enfant, invoqua le Diable et donna naissance à un jeune garçon, “Robert”. Cet enfant était coléreux et méchant. Son père le fit chevalier. Il prit alors la tête d’une bande de brigands qui terrorisait la campagne normande.
Se rendant compte de sa violence et de sa méchanceté, il en chercha la cause et découvrit le mystère de sa naissance. Il se rendit alors à Rome afin de rencontrer le pape. Celui-ci l’envoya se confesser à un ermite qui lui demanda de faire vœu de silence et de disputer sa nourriture aux chiens comme pénitence. Robert est ensuite recueilli comme un vagabond par l’empereur de Rome. À l’époque, des pillards sévissaient à Rome mais personne n’osait les combattre. Robert le Diable les affronta alors, seul et dissimulé sous son armure. L’empereur promit alors la main de sa fille à ce valeureux chevalier. Seule la princesse sut qui il était, l’ayant vu ôter son armure. Bien que l’ermite l’ait délivré de ses vœux, “Robert” refusa d’épouser la princesse et vécut en ermite jusqu’à la fin de ses jours.
La présomption de l’origine de la construction du château de Moulineaux fait l’objet de nombreuses interprétations controversées : certains l’attribuent au Duc Rollon, baptisé sous le nom de Robert, d’autres à Robert le Magnifique ou encore à son fils Robert Courteheuse. Les chroniques de l’histoire nous renvoient également à Robert de Guiscard dit « le malin » impliqué dans la politique italienne des ducs de Normandie ainsi qu’à Robert de Bellême qui soutint la rébellion de Robert Courteheuse contre son père Guillaume.
Toujours est-il que cette forteresse féodale, perchée très haut sur la rive de la Seine, représentait un atout stratégique pour surveiller toute la région rouennaise. Les premiers écrits mentionnant la forteresse de Moulineaux datent de 1180. Richard Ier dit Cœur de Lion, fils d’Henri II et d’Aliénor d'Aquitaine, roi d'Angleterre, duc de Normandie, duc d'Aquitaine, comte de Poitiers, comte du Maine et comte d'Anjou, y séjourna.
En 1204, Jean sans terre, cinquième et dernier fils du roi Henri II d'Angleterre et d'Aliénor d'Aquitaine, effectue plusieurs séjours au château de Moulineaux entre 1199 et 1204. Divers actes renvoient à des travaux de mise en défense et à l’entretien d’une garnison. L’assassinat du jeune Arthur de Bretagne par son Oncle Jean sans terre pesa certainement sur la réputation des ruines de Moulineaux. Vers 1217, la garde du château est confiée à Hélie de Compiègne.
Au fil du temps, le château de Moulineaux a été une première fois démantelée lors de la conquête de la Normandie par Philippe II dit Philippe Auguste (1180-1223) de la dynastie des Capétiens, premier monarque auquel est attribué le titre de roi de France. Il est le fils héritier de Louis VII et d'Adèle de Champagne. Puis, le château de Moulineaux est relevée par ce même Philippe Auguste. C’est à l’époque de la guerre de 100 ans que le château entre à nouveau dans l’histoire. De nombreux comptes de travaux font référence à l’entretien de la place durant la seconde moitié du XIVe siècle. En 1338, la garde du château de Moulineaux est confiée à Nicolas de Bois.
En 1344, réparation du château de Moulineaux au niveau de la charpente et de la couverture. En 1356-1359, la garde du château est confiée à Louis d’Harcourt. Dès 1359, les places fortes devaient être démantelées pour que les anglais ne puissent s’en servir et ainsi passer de la rive gauche à la rive droite. La paix est signée en 1360, mais les hostilités reprennent rapidement : les troupes anglaises et navarraises s’emparent de Moulineaux.
En août 1364. Philippe le Hardi, Duc de Bourgogne, assiège la forteresse pendant quatre jours. La paix ne sera signée que le 6 mars 1365 permettant la restitution du château à Charles V par le roi de Navarre. Au cours de la seconde moitié du XIVe siècle, la charge de capitaine de ce château de Moulineaux a été confiée au chevalier Guillaume Aux-Épaules, bailli du Cotentin, afin de protéger le territoire contre les invasions anglaises. Le château aurait été définitivement abattu au printemps 1418 à l’approche de l’armée anglaise afin que celle-ci ne puisse s’en servir contre Rouen.
Au XVIIIe siècle, ses ruines romantiques commencèrent à éveiller l’intérêt. C’est à cette époque que le château de Moulineaux devint le château de Robert le Diable. En 1758, Rondeaux de Setry, archéologue érudit, auteur de plusieurs mémoires sur le château, réalise des fouilles sur le site. En 1855, découverte de sépultures gauloises lors de travaux de terrassement dans les douves du château. Les douves sont en parties comblées à cette époque.
Les combats de 1870 achèvent de ruiner le château de Robert le Diable. En janvier 1871, le nom de château Robert reste dans les mémoires à cause des pertes en vie parmi les rangs des gardes mobiles de l'Ardèche qui ont combattu dans les parages de Moulineaux et de Maison-Brûlée. En effet, pendant la guerre franco-allemande, en décembre 1870 - janvier 1871, les gardes mobiles, pourtant très inférieurs en nombre, parvinrent à tenir tête aux 20 000 Prussiens d'Edwin von Manteuffel qui avaient franchi la Seine sur la glace.
En 1903, l’industriel Oscar Cosserat racheta les ruines avec pour projet de rebâtir le château de Robert le Diable. Le chantier se fit sous la direction de l’architecte Lucien Lefort, disciple de Viollet le Duc, architecte reconnu pour ses restaurations de constructions médiévales. L’idée fut alors de restituer des ruines d’une hypothétique forteresse médiévale, imaginée selon les connaissances archéologiques partielles du XIXe siècle. C’est grâce à ses efforts que le château a retrouvé son aspect actuel, avec l’idée de restituer les ruines d’une hypothétique forteresse. Le château est par la suite classé au titre des sites naturels à la demande d'un des fils Cosserat, Maurice.
En 1940-1944, pillage du château de Robert le Diable et du musée. Encore à moitié ruiné, il a été racheté, restauré et aménagé dans les années 1950 par Roger Parment, alors maire de Moulineaux, avec des souvenirs divers ainsi que des scènes reconstituées de l'histoire locale et de la vie au Moyen Âge avec des personnages grandeur nature et très réalistes, pour ne pas dire effrayants quand on les voyait avec son regard d’enfant. Un bâtiment de style norvégien abritait jusqu'à peu une reconstitution de bateau viking.
Après avoir été laissé totalement à l’abandon pendant des’années, le château de Robert le Diable subissait les assauts du temps et de la végétation qui, petit à petit, le faisaient disparaître sous un écran de verdure. Il restait malgré tout un lieu emblématique pour tous les habitants de Rouen et sa région. Fort de ces constats, la Métropole se porte acquéreur du monument en 2007 et entame alors une réflexion autour d’un projet de réhabilitation progressive du site. Aujourd’hui les abords et les jardins sont de nouveau accessibles au public.
Après avoir sommeillé une vingtaine d’année, cette place forte de la Normandie Médiévale ouvre depuis peu un nouveau chapitre de son histoire en faisant entrer les nouvelles technologies dans son enceinte, pour le plus grand plaisir de ses visiteurs. Des traces d’ouvrage en terre ont été reconnues par l’archéologue Fallue au XIXe siècle. Il en conclut l’existence d’un camp militaire romain sur le site. Cette hypothèse n’a pas été confirmée depuis. Ses huit tours lui donnent encore des airs de Bastille, même si, au fil des siècles, ce vieillard de presque un millénaire a perdu beaucoup de sa superbe. Avec un peu d’efforts cependant, il est facile d’imaginer l’effet qu’il pouvait produire au moyen-âge.
Dans le petit village de Moulineaux vous pourrez également visiter l’ancienne villa gallo-romaine, l’église Saint-Jacques le Majeur, l’ancienne léproserie, des sources ou encore des moulins.
L'Eglise Saint-Jacques-le-Majeur du XIIIe siècle, possède également une longue histoire. Moulineaux est érigé en cure en 1240. Jusqu'à la Révolution, tout prêtre peut célébrer la messe dans cette église sans autorisation du curé, privilège que la paroisse doit probablement à son ancien statut de chapellerie. En 1242, Blanche de Castille, accompagnée de Louis IX et de Marguerite de Provence, vient faire un vœu à Saint-Jacques pour donner un descendant au trône de France. Trois ans plus tard, Marguerite donne naissance à Philippe le Hardi. La reine mère fait alors don à l'église d'une verrière en trois parties. Les vitraux, restaurés en 1855, qui occupent le fond de l'abside, représentent les trois souverains agenouillés
En 1835, des protestations s'élèvent contre le projet de destruction de l'édifice. En 1858, l'église Saint-Jacques-le-Majeur fermée depuis près d'un demi-siècle, est rendue au culte. Elle conserve des fonts baptismaux romans et un magnifique jubé. Cette très belle tribune fut construite en 1506, ce qui en fait l'un des plus anciens jube de Normandie. Il présente la particularité d'offrir deux décors très différents, puisque celui qui regarde le choeur est orné de médaillons d'époque Renaissance, tandis que celui qui fait face à l'entrée est de style gothique.
Témoin d'un passé pas si lointain, le lavoir de Moulineaux, rue Louis-Moguen (D 67), se présente sous la forme d'un unique bassin construit en brique et de forme allongée. Il a été aménagé à l'emplacement d'une ancienne fontaine publique alimentée par l'eau des sources. Aujourd'hui inutilisé, il a été restauré , au titre de patrimoine communal, par la commune en 2002. A voir aussi le manoir des Sources comporte sur son domaine un oratoire du XVIe siècle. Le Château du Rouvray (1876), en bordure de Seine, construit pour Eugène Dutuit, dont la famille est actionnaire de la Banque de France. Le château de la Vacherie avec son parc et ses dépendances, le monument commémoratif du combat de 1870.