Les vieilles pierres de la Collégiale Saint-Michel "parlent" de l'histoire de Blainville-Crevon. Jean d’Estouteville, seigneur de Torcy et de Blainville, conseiller de Charles VII, chevalier de l’Ordre de Saint-Michel, maître-arbalétrier sous Louis XI et lieutenant-général entre la Seine et la Somme sous Charles VIII, fonde par acte le 5 janvier 1489 cette collégiale. Dédiée à la Trinité et à saint Michel, elle est construite de 1489 à 1491. La collégiale est dédicacée par Robert de Croixmare, archevêque de Rouen du 20 mars 1483 au 18 juillet 1493. Elle réunit un collège composé d'un trésorier, un chantre et six chanoines qui prient pour Jean d'Estouteville, son épouse Françoise de La Rochefoucauld et les rois sous lesquels il sert. Son patronage relevait du seigneur de Blainville. En 1783, le service paroissial y est transféré par décision de Dominique de La Rochefoucauld, archevêque de Rouen, l’église paroissiale Saint-Germain étant en mauvais état.
La Collégiale Saint-Michel de Blainville-Crevon affiche un style gothique flamboyant, reconnaissable aux meneaux en forme de flammes des fenêtres. La courte période de construction permet d’avoir un bâtiment très homogène. Les matériaux employés sont la pierre pour les sculptures, les murs sont composés de grès et de silex en damier. On peut supposer, d'après la date de construction de l'édifice, que l'appareil de silex et de grès monté en damier influence ensuite l'appareillage de certaines églises de la région, datées des XVIe et début XVIIe siècle. Prenons l'exemple des églises de Vieux-Manoir, Longuerue ou encore Héronchelles. Sa flèche polygonale est une réalisation faite en plomb.
L'édifice de plan en croix latine et orienté vers l'est, est destiné à un collège de chanoines qui prient pour le repos de l'âme de son donateur, de celle de son épouse et des rois qu'il a servis. Le porche monumental est percé d'une grande baie en arc brisé et encadré aux angles par deux contreforts. Ce porche protège la double entrée de la collégiale située sur la façade occidentale. Cette dernière, d'une grande sobriété, est ouverte d'une rose de petite dimension, en partie cachée par le haut du porche et sa balustrade.
La nef comprend deux travées, chacune percée de deux ouvertures en arc brisé et divisée en trois lancettes. Seule, la baie sud de la seconde travée est plus petite, laissant la place à une porte en anse de panier et à encadrement sculpté. Le transept de l'édifice a deux croisillons ouverts de baies sur les trois côtés, excepté sur la façade est du croisillon nord, bouchée suite à la construction de la sacristie, attenante au choeur. Ce dernier se compose de deux travées et d'un chevet à pans coupés. Le décor de l'édifice, avec le haut des lancettes des baies en forme de flammes, les niches accueillant autrefois des scupltures autour de la double porte et les gargouilles, affiche un style gothique flamboyant.
Avancez vers le chœur où la lumière colorée des vitraux s’étale partout. A l'origine, le chœur était fermé par un jubé, galerie le séparant de la nef. Sur le côté gauche une chapelle abrite une grande statue en métal doré de Saint Michel qui déploie ses ailes comme un aigle vengeur. Très probablement commandée par Jean d'Estouteville, l'authenticité de cette statue est attestée par le collier de l'ordre de Saint-Michel et le soleret très large. Pesant 300 kilos, elle était autrefois installée au revers du portail mais sans ses ailes. La tête du dragon a été modifiée au XIXe siècle.
En partant de l'autel, les premières armoiries sur la clé de voûte sont celles de Jean d'Estouteville, entourées du collier de l'ordre de Saint-Michel. Les secondes, en forme de losange, sont celles de Françoise de La Rochefoucauld. L’intérieur est agrémenté de stalles en bois sculptées d’originales de la miséricordes : elles représentent divers personnages : moines, femmes, bourgeois en costume d'époque, ainsi que des scènes populaires et de vitraux. Le vitrail illustré d'une crucifixion date du XVe siècle. La base de ce vitrail représente Françoise de La Rochefoucauld, épouse de Jean d'Estouteville, agenouillée. Le vitrail de gauche montre Saint Jacques et Saint Germain et celui de droite Saint Jean et Saint Christophe. Les armoiries des donateurs sont représentées à gauche (Estouteville) et à droite (La Rochefoucauld)
Au fond sont représentés Sainte Barbe et un saint apôtre en bois du XVIIe siècle. Le tableau illustrant la Cène à gauche est une copie ancienne d'un Poussin et à droite l'Ecce homo reflète nettement l'influence du peintre italien Le Caravage. Des statues de saint Jean-Baptiste et saint Pierre en pierre datent du XVe siècle, tout comme celle de saint Adrien dans la chapelle Saint-Michel, qui aux dires de certains, pourrait reprendre le visage de Jean d’Estouteville. En allant vers la sortie jetez un regard sur les superbes scènes du chemin de croix travaillé en bas-relief.