A deux pas du port de Fécamp, laissez-vous entraîner dans les dédales du Palais Bénédictine, fabuleux bâtiment en briques rouges, né de la passion d'un négociant pour une liqueur, la célèbre Bénédictine. Il s’agit d'un haut-lieu culturel de la ville de Fécamp avec ses collections d’Art religieux et d’Art moderne. Mais, avant même d’être un musée, le palais Bénedictine était, et demeure, bel et bien une distillerie. Dans celle-ci est élaborée la fameuse liqueur à base de plantes et épices, dont la recette exacte demeure jalousement gardée.
Le Palais Bénédictine est un mélange d'extravagance et de tradition. Il a été commandé par Alexandre-Prosper Le Grand qui était un grand passionné d'art; il voulait créer un espace hybride mêlant l'art et l'industrie et également ancrer sa liqueur dans une tradition monastique locale. Le palais a été dessiné par l'architecte Camille Albert (1852-1942), architecte originaire des Hautes-Alpes, construit par le constructeur Ernest Baron avec des matériaux et des techniques locales. Camille Albert avait compris à la fois le souhait d'Alexandre Le Grand et la tradition architecturale locale.
Les travaux commencèrent en 1882, et il fut inauguré une première fois en 1888. Mais, dévasté le 12 janvier 1892 par un incendie, il fut alors reconstruit dans sa forme actuelle, dans une architecture mêlant style néogothique et style néo-Renaissance, caractéristique de l'éclectisme, tendance de l'historicisme qui traverse tout le XIXe siècle, avant l'émergence de l'Art nouveau auquel le style du palais fait également référence. Le fils de l'architecte Eugène Viollet-le-Duc, Adolphe, journaliste, visitant l'édifice, s'était montré lui-même impressionné. L'architecte qui a construit ce palais grandiose, qui cache la distillerie en ses murs alambiqués, a peut-être voulu y mêler autant de styles.
L'histoire commence à l'abbaye de la Trinité de Fécamp où des moines vivaient selon la règle de saint Benoît, basée sur la prière, le travail manuel et l'étude. Philosophes et herboristes s'y côtoyaient dans une atmosphère d'alchimie stimulée par la proximité des falaises où poussaient l'angélique, l'hysope ou encore la mélisse, ingrédients d'élixirs de toutes sortes.
C’est Dom Bernardo Vincelli, moine vénitien de l’abbaye de Fécamp à qui l’on devrait la Bénédictine. S’étant installé à l’abbaye de la Trinité en 1505, il y serait devenu alchimiste et herboriste en associant quelques-unes des plantes médicinales du plateau cauchois à des épices exotiques, pour en tirer un breuvage et censée prolonger la vie, devient au fil du temps célèbre dans toute la région. Elle sera utilisée pendant trois siècles, puis disparaîtra à la Révolution française.
S’il n’existe aucune trace épistolaire de l’existence de ce moine inspiré "Dom Bernardo Vincelli,", on ne peut nier par contre la sécularité de cette Bénédictine d’origine monastique. Une autre version veut qu’à la dispersion de l’ordre des bénédictins, à la Révolution, le manuscrit de la recette ait été racheté par un notable de Fécamp qui ne s’en soucia pas, ledit document, un Herbarius du XVIe siècle, ayant été acquis dans la bibliothèque familiale en 1863, par un de ses aïeul.
Mais un homme va la retrouver en triant sa bibliothèque ! C'est Alexandre Le Grand, un négociant en vin fécampois, passionné d'art et d'histoire, qui s'était constitué une collection de livres et d'objets liturgiques à partir de ceux légués par son grand-père et provenant de l'abbaye. Le texte qui fera sa renommée et sa fortune apparaît dans l'un des grimoires rédigés par Dom Bernardo Vincelli en 1510, dévoilant les vingt-sept plantes qui la composent. Il en percera le secret en 1863 et la baptisera la Bénédictine. Pour la produire, il créera une distillerie, et la remettra au goût du jour. La Bénédictine, élixir mis au point en 1510 par Dom Bernardo Vincelli etait composée de vingt-sept plantes et épices.
En 1872, Alexandre-Prosper Le Grand décide d'ouvrir ses trésors au public et, lorsque l’usine devient trop petite, il entreprend la construction d'un palais, inauguré en 1888. Parmi les « caprices » du négociant, l'oratoire, réalisé dans le style gothique flamboyant, reproduit l'univers des moines de l'abbaye de Fécamp.
Vous commencerez votre visite par le Palais Bénédictine lui-même avec notamment le magnifique escalier en pierre qui vous mène vers la pièce centrale : la salle des Abbés dont l’intérêt principal de la première réside dans son vitrail, représentant l’accueil du roi François 1er par les moines de Fécamp en 1534 et les statues de certains abbés qui ont marqué l'abbaye de Fécamp. Au pied de l'escalier d'honneur, les sculptures et les vitraux sont un éblouissement.
Dans la partie plus classique, le musée possède une grande collection d'art des XIVe, XVe et XVIe siècles, en partie issue des collections personnelles du fondateur, représenté au centre d'un grand vitrail en glorieux rénovateur de la liqueur qui fit sa fortune… Elles renferment diverses collections d’émaux champlevés du XVIe siècle, des reliquaires, d’ivoires sculptés et de la ferronnerie ancienne. La grande salle Gothique présente une charpente en bois sculptée en coque de bateau inversée réalisée par les charpentiers du port. Elle renferme une belle exposition d'art sacré avec notamment diverses collections d’émaux et d’ivoires d'une finesse remarquable.
La salle Alexandre-Le-Grand, destinée à la mise en bouteilles et à l'étiquetage jusqu'en 1972, retrace l'histoire de la liqueur. C'est dans l'ancienne salle où s'effectuait la mise en bouteille que vous découvrirez l'histoire de celui qui fut à l'origine de ce palais et de cette grande entreprise autour de la Bénédictine, Alexandre Le Grand.... Vous verrez aussi à quel point il était en avance sur son temps en matière de marketing, publicité ou lutte contre les contrefaçons.... En effet, une autre salle rassemble les quelque 600 contrefaçons dont fut victime la Bénédictine, une des liqueurs les plus copiées au monde.
Après la salle du Dôme et l'Oratoire, la salle Renaissance vous présente sa magnifique collection de ferronnerie. Les ferronneries et les faîtages sont confiés à un autre artiste haut-alpin Ferdinand Marrou (1836-1917) qui vient de terminer les faîtages du palais de justice de Rouen ainsi que les 4 pinacles de la cathédrale de cette ville. Enfin, la Pinacothèque expose des peintures, pour la plupart sur bois, attribuées à des artistes français, italiens allemands et flamands. La collection de ferronneries, a été acquise dans un château du Val-de-Loire, des peintures, pour la plupart sur bois, autrefois attribuées à des artistes français, italiens, allemands et flamands précis, attributions un peu arbitraires. Il s'agit majoritairement d'œuvres d'ateliers ou de « l'école de ». La bibliothèque provient en partie de l’abbatiale de Fécamp, elle expose des manuscrits et des incunables.
Au rez-de-chaussée, la grande salle de l’espace contemporain accueille des expositions sur les plus grands artistes de notre temps, comme celle sur Jef Friboulet (natif de Fécamp) en octobre 1989 - Janvier 19908, sur Raymond Guerrier et Blaise Patrix en 1992, sur Denis Rivière en 1994, sur Jean Hucleux et César du 22 juin au 22 septembre 1996, sur Bernard Lorjou en février-juin 2004. Galerie d'expositions d'art contemporain ouverte au public.
Les plantes sont présentées sous la verrière du Jardin des essences. Au sous-sol, la salle des épices est consacrée en partie aux différentes plantes et épices entrant dans la composition de la Bénédictine. Bien que la recette exacte de cette liqueur soit tenue secrète, on connaît les ingrédients qui la composent : 27 plantes et épices, détaillées sur un présentoir. Dans la salle des Epices, après un petit film explicatif, vous pourrez voir et humer les différentes plantes et épices rentrant dans la composition de la Bénédictine.
Au-dessous de cette salle se trouvent la distillerie et les caves, suivent la distillerie et les caves : alambiques et foudres de chêne sont le cœur du lieu. Salle où est élaborée puis conservée la Bénédictine, mais la mise en bouteille n'a plus lieu dans ces murs. La visite du Palais Bénédictine se termine, comme il se doit, par une dégustation de Bénédictine, qui peut se boire pure ou en cocktail. Dégustation pour adultes majeurs uniquement. L’abus d’alcool est dangereux pour la santé. À consommer avec modération. "La Verrière", bar et salon de thé créé en 2021 par Pierre-Cyrille Acquier, invite à une expérience gustative unique de cocktails, thés et chocolats à base de Bénédictine, à accompagner de gourmandises ou d'une planche apéritive. Vous pourrez aussi profiter de la boutique pour avoir de quoi poursuivre la dégustation ou préparer quelques cadeaux originaux... La boutique vend la Bénédictine sous toutes ses formes.
Passé la première surprise, vous ne regretterez pas d'être entré dans ce luxueux musée, ou d'importantes collections d'objets d'art, réunies par Alexandre Le Grand, vous attendent. Vous apprendrez comment cet astucieux négociant fécampois sut promouvoir son produit : dépôt de la marque, exportation, publicité une vraie leçon de marketing. Vos sens seront sollicités par les odeurs et les textures de chaque composante de la liqueur: hypose, canelle, thé, mélisse... Enfin, vous serez surpris à nouveau par la qualité des artistes, célèbres ou en passe de le devenir, exposés dans la galerie d'art contemporain.
Le palais Bénédictine, hormis ce qu'il nous apprend sur l'histoire de la liqueur du même nom, offre un exemple parfait du point où l'art en était arrivé à la fin du XIXe siècle. Ce n'est pas le palais de Versailles avec ses lambris dorés, c'est du clinquant, du stuc, parfois très surchargé, très artificiel. Les architectes de l'époque reconstruisent en néo-gothique ou en néo-renaissance et s'en donnent à cœur joie. Ce lieu unique chargé d'histoire étonne par la diversité et l’opulence de ses décors. A l'extérieur comme à l'intérieur du Palais Bénédictine, c'est un mélange de néo-gothique et de néo-renaissance. C'est très beau, mais il manque de la retenue, c'est-à-dire une certaine façon de ne pas aller trop loin. En bref, il y manque l'esthétique de la Renaissance italienne ou du classicisme du XVIIIe siècle. Près de Paris, le Grand Salon du château de Maintenon a été refait, à la fin du XIXe siècle, selon les mêmes règles.