Située sur les hauteurs de la ville d’Eu, à proximité de la forêt domaniale d’Eu, explorez la cité gallo-romaine Briga. Important site archéologique, la cité se dévoile sous vos yeux depuis le bord de la route. Au cours d’une visite guidée (organisée durant la saison estivale), les guides passionnés vous conteront l’histoire de ses habitants et de la vie qui l’animait.
Les vestiges de la ville antique, masqués sous la forêt pendant plus d’un millénaire, ont été découvert de manière fortuite à la fin du XVIIIe siècle lorsque le duc de Penthièvre fit prolonger en forêt la route venant d’Eu, qui s’arrêtait jusqu’alors au manoir de Beaumont. Le percement de la chaussée rencontra les puissantes maçonneries du Grand Temple, qui passèrent d’autant moins inaperçues qu’il fallut les traverser à la pioche. Une plaque couverte d’un texte en latin fut également découverte et mutilée à cette occasion, sans malheureusement qu’elle ait été transcrite ou conservée. Depuis le site antique dénommé "du Bois-l’abbé" ne cesse de passionner érudits et chercheurs. Des fouilles successives se sont alors déroulées, au XIXème siècle, puis au XXème siècle. Elles permirent de prendre conscience de la taile et de l'importance de ce site, où s'élevait une véritable ville gallo-romaine du Haut-Empire du nom de Briga.
Louis Estancelin entreprend les premières recherches en 1820 et 1821. Il met très partiellement au jour des fondations de bâtiments qu’il identifie à un temple et à un amphithéâtre antiques. Les fouilles entreprises ensuite par l’abbé Cochet en 1872 précisent la nature des monuments, en particulier pour le théâtre. Les investigations de Michel Mangard de 1965 à 1978 permettent de renseigner les origines et le phasage des monuments reconnus au XIXe siècle. Après une quinzaine d’années d’abandon, les recherches reprennent en 1994 avec la création du Service Municipal d’Archéologie de la Ville d’Eu (SMAVE), en particulier sur les « Petits Thermes » sondés à la fin du XIXe siècle. À partir de 2006, les fouilles sont confiées à un agent du Service Régional de l’Archéologie (SRA) de Haute-Normandie après quelques années de collaboration avec le SMAVE.
Les fouilles successives menées depuis cette époque permettent d’affirmer qu’une ville gallo-romaine repose sous la clairière du « Bois l’Abbé ». Briga comporte les éléments d’une parure monumentale assez bien conservés, dont le plan n’a actuellement guère d’équivalent en Gaule. Cette ville se structure dans les années 20-10 avant J.-C., pour péricliter définitivement à la fin du IIIe siècle. Parallèlement à ces fouilles, des prospections au sol menées depuis 2007, permettent d’intégrer ces monuments à un ensemble de vestiges couvrant 65 hectares.
Les vestiges
Le sanctuaire du « Bois-l’Abbé » tire son origine d’un lieu de culte occupé par les Belges bien avant la conquête de la Gaule par César. Les sondages et fouilles menés depuis 2002 ont mis en évidence, dans la zone qui constituait le sanctuaire initial, des séries d’objets divers d’époque gauloise, dont les plus anciens remontent au début du IIIe siècle av. J.-C. au moins. Il s’agit d’armes (épées, lances), d’éléments de ceintures, de bijoux (fibules, bracelets, perles de collier en verre et en ambre), des premières séries monétaires celtiques. Quelques ossements humains, dont l’un porte des traces de coups destinés à un démembrement après la mort, doivent sans doute également être attribués à ce sanctuaire gaulois. La documentation d’époque romaine montre que le dieu principal était Mercurio brigensi, le « Mercure de Briga », sans doute un dieu gaulois du commerce assimilé plus tard au Mercure romain.
Dans les décennies qui suivent la conquête romaine, une première phase d’aménagements en bois a été observée de manière très partielle, en raison notamment de destructions causées par les constructions plus récentes. À l’intérieur, les rites se poursuivent sans changement avec des offrandes d’armement, de bijoux ou d’objets de toilette, de monnaies. En avant du sanctuaire, vers l’est, de petits bâtiments rectangulaires semblent avoir été construits au tournant de l’ère, et servaient probablement de portiques pour l’exposition des offrandes.
Un premier sanctuaire en dur est édifié peu après, dans la première moitié du Ier siècle. Dans le dernier tiers du Ier siècle, le fanum initial est démonté, et remplacé par un temple sur podium de type gréco-romain, formé d’une cella qui accueillait la statue de culte, et d’un vestibule. Au cours du IIe siècle, d’autres temples de type fanum sont édifiés autour du sanctuaire principal. Le temple central pourrait également avoir été reconstruit durant cette période. Enfin, au début du IIIe siècle intervient un grand remaniement qui voit un nouvel agrandissement du Temple : le Grand Temple et l’extension du quadriportique.
Le fanum en eau forme l’angle sud-est du sanctuaire. Ses dimensions sont légèrement plus grandes que celles des autres fana. Lors de sa fouille, on s’est aperçu que ses sols étaient formés de mortier de tuileau, un béton de couleur rose composé de chaux et de fragments de briques ou de tuiles cuites. Ce mortier a pour spécificité de garantir une étanchéité parfaite du sol et était utilisé pour les salles d’eau des thermes. La présence de ce type de mortier dans le fanum, renforcé par un boudin épais pour étancher les murs, est assez extraordinaire. Ce fanum pouvait donc, en permanence ou occasionnellement, contenir de l’eau.
Les édifices publics
Le forum
Dans les premières décennies du IIIe siècle, le centre monumental de Briga fait l’objet d’une restructuration complète, qui conduit au démontage intégral ou presque des constructions de la période précédente. Il comprend désormais trois ensembles juxtaposés. Un petit temple très fruste est alors construit en marge du chantier pour accueillir une ou plusieurs statues de culte durant la période de travaux.
Les différents monuments publics sont insérés dans un vaste espace enclos par un mur, et qui forme au sud sur une vaste esplanade apparemment dépourvue de constructions à cette période. Il s’agit manifestement d’une place à caractère public en avant du centre monumental. Des sondages ont montré l’existence d’une rue qui ceinturait cette place, et qui était bordée par endroits de petites boutiques ou d’échoppes appuyées contre le mur d’enceinte. Ces différents éléments : grand sanctuaire, basilique, salle de conseil, place publique, constituent les différentes unités architecturales dont le groupement au sein d’une agglomération forme un forum.
Le théâtre
Le théâtre a été implanté sur la pente qui fait face à l’est, en contrebas du centre monumental, profitant du relief pour limiter les terrassements nécessaires à l’implantation des gradins (la cauea), selon un principe assez fréquent. Il s’agit d’un édifice de dimensions moyennes, dont la capacité d’accueil a été estimée autour de 4 000 personnes. Un trésor de 1 606 monnaies a été découvert en 1996 sous une dalle de l’accès sud du proscenium. Enfoui vers 280, il pourrait marquer la date ultime d’utilisation du monument.
Les édifices thermaux
Deux édifices thermaux ont été reconnus à Briga. Le premier se trouve en forêt, toujours plus bas dans la vallée et a été seulement sondé, il a pris le nom de « grands thermes ». L’autre, beaucoup plus petit, présente un plan à itinéraire rétrograde avec un vestibule, un frigidarium, deux salles intermédiaires et un caldarium. La dénomination de "petits thermes" se met entre guillemets car il est possible que cet édifice soit en fait une villa datée des ier au iiie siècles avec des thermes privés. Ces « petits thermes » auraient été détruits par un incendie au IIIe siècle.
L'habitat
Le Quartier Nord
Le quartier d’habitat dégagé au nord du centre public antique s’organise en îlots délimités par un réseau de rues plus ou moins orientées sur les points cardinaux, avec des aménagements en fonction des contraintes du relief. Au sein des îlots, les premières maisons ont été construites dès le troisième quart du ier siècle, et paraissent dans un premier temps avoir adopté des plans très simples, cases à pièces uniques ou bâtiments rectangulaires à deux pièces accolées. Quelques traces d’activités artisanales ont été repérées de manière indirecte dans ce quartier, par la découverte d’outils ou de déchets de fabrication.
De l’apogée, au déclin mystérieux
Abandonnée vers la fin du IIIe siècle de notre ère, les causes de ce déclin rapide sont multiples. L’une d’elles est probablement en lien avec l’insécurité due aux incursions germaniques. La ville servira de carrière de pierre avant que la végétation et la forêt n’en fassent disparaître rapidement les traces. Aujourd’hui, ce lieu d'une trentaine d'hectares est un véritable site archéologique vivant qui fait l'objet de fouilles menées toute l’année. Il permet aux jeunes écoliers de s'initier à l'archéologie et l'été, des passionnés bénévoles viennent prêter main forte aux archéologues.