Le village de Blainville est mentionné pour la première fois sous la forme latinisée Bleduinvilla vers 1050 - 1066. Le château de Blainville est un site Médiéval sur lequel se sont succédé cinq châteaux, du XIe siècle au XVIIIe siècle. Après la mort de Charlemagne, du latin Carolus Magnus, ou Charles Ier dit « le Grand », roi des Francs et empereur, au IXe siècle, les seigneurs locaux récupèrent de larges pouvoirs sur des territoires plus ou moins vastes. Leurs querelles et les incursions de hordes étrangères rendent les places fortes nécessaires. Les évènements prennent alors un cours particulier au début du Xème siècle en Normandie : au traité de Saint-Clair sur Epte, ce vaste territoire est concédé par le roi Charles III, dit « le Simple », au viking Rollon pour qu’il mette fin aux invasions des autres chefs vikings. Rollon constituera, plus tard, le duché de Normandie. Il est considéré également comme le premier duc de Normandie.
Ses successeurs prolongent son action et, un siècle après sa mort, celui qui restera le plus célèbre d’entre eux, Guillaume le Conquérant, instaure un pouvoir centralisé, en s’appuyant sur l’organisation administrative des grandes abbayes normandes et en évinçant méthodiquement tout opposant. C’est ainsi que Guillaume appose sa signature sur ce précieux document du milieu du XI siècle par lequel, il oblige Roger de Clères à faire don à l’abbaye de Saint Ouen de Rouen de ses terres de Blainville, appelé alors Bleduinvilla, et autres lieux proches. Ce document ne fait pas encore apparaître l’existence d’un château ou plutôt d’une motte car à cette époque les places fortes se présentent sous la forme d’une tour en bois et d’une palissade, placées au sommet d’une motte de terre entourée d’un fossé. Les futurs châteaux-forts de pierre prendront assise sur ces anciennes mottes. Un document de 1172 conservé à Londres cite un Geoffroy de Mauquenchy et sa « domus » de Blainville ; ce terme latin définit une maison sans doute fortifiée et située sur la motte.
C’est seulement à la fin du XIIIe siècle , après le siège du Château de Blainville par le seigneur voisin Pierre de Préaux, que les archives font clairement état d’un château, au sens d’un ouvrage défensif en pierre doté de remparts. Pendant tout le XIVème siècle, le fief de Blainville est détenu par la famille de Mauquenchy : l’un d’eux Jean IV de Mauquenchy, dit Mouton de Blainville, fait Maréchal de France le 20 juin 1368, serviteur de Charles V et compagnon de Bertrand du Guesclin. Jean de Mauquenchy réalisera d’importants travaux sur la place forte.
Le fief de Blainville, devenu une forteresse, passe ensuite à la famille d'Estouteville. Confisqué par les Anglais au début de la guerre de Cent Ans puis repris en 1435, le Château de Blainville est alors la possession de Jean d'Estouteville, seigneur de Torcy. Jean d'Estouteville nommé grand maitre des arbalétriers par le roi Louis XI, suite à de nombreuses batailles à ses côtés, restaure le château et fera construire la Collégiale de Blainville à la fin de sa vie vers 1490.
Le Château de Blainville passe par héritage à la famille protestante d'Alègre. Un texte atteste qu’Yves III d’ Alègre, dont le père a épousé une Marie d’ Estouteville en 1512, renforce les fortifications du château et entame d’importants travaux de défense autour du village de Blainville. Bien lui en prit car, après de premières attaques en 1562 et 1581, d’autres ont lieu entre 1589 et 1594 quand Christophe II d’Alègre soutient Henri IV dans sa guerre contre Rouen et ses ligueurs. Les rouennais assiègent et prennent la forteresse, deux fois au moins ; pris par Tavannes, commandant des Ligueurs rouennais lassés des incursions du seigneur de Blainville. Leur décision de la démolir ne sera pas suivie d’effet. Rouen est, à son tour, assiégée à plusieurs reprises par les troupes du roi qui, à l’occasion, aurait tenu un conseil de guerre au château de Blainville, la veille de la chute de Rouen.
En 1594, d’Alègre est condamné par le Parlement de Caen pour l’assassinat du gouverneur de Gisors, place que le roi lui avait confiée puis retirée. Grâce à son habileté, d’Alègre a la vie sauve et l’ordre de démolir le château, une nouvelle fois, ne sera pas exécuté. Puis, des périodes plus calmes viennent. La seigneurie est transmise par mariage à la famille Colbert, plus précisément à Jean-Baptiste Colbert de Seignelay, fils aîné du Grand Colbert, par sa 1° femme Marguerite-Marie de Tourzel, marquise d'Allègre et dame de Blainville, qui l'aurait fait ériger en marquisat. Une autre branche des Colbert possédait Blainville dans le Calvados, où se trouvait le château Colbert, de style classique, aujourd'hui détruit.
La terre de Blainville en Vexin reste aux descendants de Colbert de Seignelay et de sa 2° épouse Catherine-Thérèse de Matignon-Torigni, en 1675. Le fief passe ensuite par héritage aux Montmorency-Luxembourg : Ils vivent plus à la cour du Roi qu’à Blainville, laissant leurs régisseurs utiliser pour leurs besoins agricoles les bâtiments d’un château de moins en moins entretenu. Puis les Montmorency-Fosseux-Beaufort deviennent les maîtres des lieux. En 1778, Louis Colbert le récupère et, après avoir envisagé de le restaurer ou de le vendre comme carrière de pierre, finalement l’arase au niveau du 2ème étage de ses tours et remblaie partiellement ses fossés. Il entreprend alors, à grand frais, l’édification « d’une des plus belles demeures de la région », dans le style du XVIIIe siècle.
Vendu comme bien national, le château de Blainville est entièrement rasé pendant la Révolution. Les vestiges retrouvés appartiennent plutôt au Moyen Âge qu'à l'époque classique.
Haut lieu de l'Histoire de France, aujourd'hui, les vestiges de son château médiéval au nord-est du petit bourg constituent le joyau du patrimoine de la commune. Objet de fouilles à compter des années 1960, mis en valeur et animé par une dynamique association, le site comprend tout à la fois les traces de la motte féodale primitive du XIe siècle, des vestiges du logis seigneurial du XIIe siècle et des pans de la forteresse avec ses tours rétablie au XVe, après la guerre de Cent ans. Les travaux des archéologues ont été d'autant plus exemplaires que l'ensemble de ces vestiges avait fait l'objet de remblaiements pour édifier un nouveau château à vocation résidentielle au XVIIIe siècle.
Le Site Médiéval de Blainville-Crevon est à présent aménagé pour accueillir visites et animations. Au milieu d’une prairie, l'histoire des constructions successives se dévoile sous vos yeux. Vous distinguez nettement les murs de la forteresse et des tours d’angle rehaussées par les fossés des douves qui entouraient le château. Lorsque vous arrivez sur la passerelle de bois qui marque l’entrée des ruines, le voyage dans le temps est immédiat. L'occasion de comprendre en se replongeant près d'un millénaire en arrière comment était pensée puis comment évoluait l'architecture d'une forteresse. Des cheminements avec passerelles et éclairages permettent de découvrir les pans de murs fortifiés, les abris et souterrains, les vestiges de tours et logis, ce qui relevait de la protection et ce qui permettait de vivre au quotidien : celliers, escaliers…