L’une des particularités de la commune est la présence très forte de l’eau. Les trois rivières (la Béthune, l’Eaulne et la Varenne), qui prennent naissance aux abords de la boutonnière du pays de Bray, se retrouvent sur le territoire d'Arques-la-Bataille pour former le fleuve côtier nommé « l'Arques », dont l'embouchure constitue le port de Dieppe. Ces trois rivières ont formé un paysage vallonné surmonté de plateaux crayeux. Arques est mentionné sous les formes Arcas en 750 et en 944, Arcae en 991.
L'origine de la première partie du nom de la commune dériverait vraisemblablement du latin "Arcae" désignant les arches des ponts jetés sur les embranchements de rivières. Leur franchissement se faisait en cet endroit pour relier Rouen à l'extrême nord de la province. C'est donc la rivière d’Arques qui est, dans ce cas, à l'origine du nom de la ville, phénomène que l'on observe fréquemment comme Fécamp, Eu,..., et non pas l'inverse. Elle doit la seconde partie au fait qu'Henri IV, alors Henri de Navarre, commença sa conquête du Royaume de France par Arques, où il livra bataille aux Armées de la Ligue, et afin de remédier à de fréquentes confusions avec Arques dans le Pas-de-Calais. Décret autorisant ce nouveau nom paru le 13 novembre 1882.
Si l'on se réfère aux découvertes archéologiques de la deuxième moitié du XIXe siècle, Arques-la-Bataille fut de tous temps un lieu de passage. Un gué permettait, dès l'époque préhistorique, le franchissement de la Varenne. Les romains reprirent le trajet à leur compte pour la voie menant à Eu, actuelle rue de la chaussée. Un pont facilita la traversée de la rivière. Sous la domination romaine, le territoire d'Arques faisait parti de la cité des Calètes. A l'époque mérovingienne, une nouvelle organisation se met en place : les "Pagus" ou pays. Arques devient la ville la plus importante et donc la capitale du Pagus de Talou dont les limites correspondent à peu près à l'actuel arrondissement de Dieppe. Au cours des temps, le Pagus devint Comté, puis Vicomté, Baillage et Election. La Révolution de 1789 fît disparaître cette antique division.
Difficile de résumer un passé aussi riche que celui de la cité d'Arques-la-Bataille, comme en témoignent ses rues et ses monuments. En arrivant dans Arques-la-Bataille, vous pouvez stationner votre véhicule Place de Lombardie, puis engagez-vous rue de Rome. La petite ville possède un patrimoine varié mais riche, et sa découverte peut débuter par le groupe scolaire, monumental bâtiment circulaire. Situé Place Léon Baudelot, le groupe scolaire fut édifié en 1935 pour répondre aux besoins démographiques de la commune, suite à cinquante années d’industrialisation, dont l’usine Viscose qui produisait l’une des premières fibres synthétiques françaises. Son ampleur étonne au premier abord, mais plus encore, la présence dans un petit bourg normand d’un ouvrage typique du mouvement moderne. Construit sur les plans de l’architecte Georges Thurin, vous remarquerez que l'école est composée de deux ailes que prolongent deux préaux couverts en terrasse : l'emploi du béton et la pureté des lignes ont justifié son inscription à l'Inventaire.
Prendre la Rue le Barrois, dans un registre très différent, la prochaine visite sera l’église Notre-Dame de l’Assomption. Incendiée en 1472 par les troupes de Charles le Téméraire, elle fut reconstruite à partir de 1515 et surmontée d’un nouveau clocher en 1633, ce dernier lui apportant sa touche finale. A la jonction du chœur et de la nef s’élève un magnifique jubé de pierre blanche, principal ornement de l’édifice. De style renaissance, cet ouvrage en appui sur trois arcs de plein cintre marque est une pièce rare car ces tribunes en pierre, nombreuses au Moyen-Âge, furent presque toutes détruites au XVIIIe siècle. Autrefois, c’est du haut de cette plate-forme élevée qu’étaient solennellement prononcées certaines lectures, le nom même de jubé étant tiré d’une formule liturgique ancienne : Jube, Domine, Benedicere. Depuis 1998, il est surmonté d’un orgue d’une grande beauté.
Dans la nef, partie la plus ancienne, un berceau de bois sculpté, ornementé de clefs pendantes et de têtes sculptées sur des sablières fut aménagé en 1583. Les fenêtres de l’abside présentent un ensemble de vitraux, fortement restaurés au XIXe siècle, mais datant pour certains du XVIe. Ils justifient, à eux seuls, le détour. Haut lieu de l’art gothique et de la Renaissance, l’église Notre-Dame de l’Assomption est un vaste édifice de lumière.
La Rue Saint-Julien qui longe l'église fait partie de l'Avenue Verte, circuit de 450 kilomètres qui relie Londres et Paris. En sortant de l'église Notre-Dame de l’Assomption, poursuivez vers l’ancien couvent des Bernardines, Impasse Saint-Julien. Le couvent des Bernardines est fondé en 1636 par Louis de Guiran, seigneur de Dampierre. La première abbesse est sa sœur, Louise de Guiran. Le couvent est fermé en 1793. Après la Révolution, une partie du mobilier est utilisée pour remeubler l’église paroissiale. L'ancien couvent des Bernardines du XVIIe siècle a été transformée en résidence cossue au XIXe. Revenez sur vos pas, puis tournez sur la droite dans la Rue des Bourguignons, puis suivre la Rue des Halles.
Au passage, admirez l'ancien bailliage royal du XVe siècle. En Haute-Normandie, c’est le seul bailliage intact qui demeure. Les présences royales de François Ier, d’Henri II et d’Henri IV témoignent de son importance. Il a ainsi porté le nom de bailliage d’Henri IV. La croissance de Dieppe entraîne sa disparition comme centre administratif et juridique jusqu’à la révolution de 1789, qui achève de lui ôter ses anciennes fonctions. Construit en briques et silex, le bailliage est détruit en grande partie en 1472 par les troupes de Charles le Téméraire. Reconstruit durant les deux dernières années du règne de Louis XI, il est achevé en 1483 par Roger Goujon. Il est inspiré par le style du Plessis-Lès-Tours, résidence de Louis XI.
Continuez en direction de la mairie d'Arques-la-Bataille situé Place Pierre Desceliers. Jusqu’au milieu du XIXème siècle, une halle occupait le centre de la place Desceliers et abrite l’administration municipale et l’école. Cette dernière est une grande et unique salle où se pratique la méthode dite de « l’enseignement mutuel ». En 1862, la halle est détruite et laisse place à l’actuelle mairie. A partir de 1935, date de construction du groupe scolaire, la mairie n’abrite plus de salles de classe. En déhambulant dans les rues d'Arques-la-Bataille, admirez les quelques habitations de style flamand ayant conservé des éléments des XVe et XVIe siècles.
A proximité dans la Rue du Bel, vous pouvez voir une borne de garnison. En 1771 sont posées 7 bornes, dont celle d’Arques-la-Bataille, portant l’inscription « Limite de garnison de Dieppe », au-delà desquelles tout soldat de Dieppe est déclaré déserteur. A présent, montez vers les ruines du château d'Arques-la-Bataille. Le château est ici le grand maître du paysage, il s’élève sur une colline aride et rocailleuse dominant deux vallées et entouré d’un fossé immense, creusé de main d’homme. Il était entouré à l’origine d’une palissade de protection.
Les ruines du château d'Arques-la-Bataille dominent le village et offrent une vue imprenable aux alentours. Du château, on peut observer trois vallées principales : les vallées de l'Eaulne et de la Béthune, qui entourent le plateau d'Aliermont, et la vallée de la Varenne. De son promontoire naturel, séparant la vallée par de larges fossés, le château d’Arques-la-Bataille est à lui seul un livre d’Histoire millénaire faite de batailles et de renaissances. Construit au début du XIIe siècle, il a subi les assauts de Guillaume Le Conquérant et Charles le Téméraire, accueilli François Ier et vu la victoire d’Henri IV… Remanié plusieurs fois, il s’effondrera après la Seconde guerre mondiale mais ne rendra pas son âme que l’on sent vibrer encore dans chacune de ses pierres.
L'intérieur du château d’Arques-la-Bataille ne se visite plus pour des raisons de sécurité mais le chemin de contrescarpe taillé à même la roche est devenu un but de promenade. Face à la porte principale, on emprunte le sentier par la droite, il surplombe le fossé qui ceinture l’édifice. Chemin faisant, c’est un panorama à couper le souffle qui se révèle au fur et à mesure de l’avancée. Après avoir dominé les prairies de Calmont et de Gruchet à l’ouest, le passage s’oriente au sud et laisse deviner les vestiges d’un pont-levis. Le retour se fait par l’Est et le regard embrasse alors la vallée formée par le confluent de la Béthune et de la Varenne qui va former l’Arques. On y distingue le village, les ballastières et en arrière-plan les versants boisés de la forêt domaniale d’Arques.
Revenez vers le centre du bourg, la maison de Ducrotay de Blainville, l'ancien site industriel où fut produite de la viscose jusque dans les années 1980 complètent ce parcours touristique. La maison de Ducrotay de Blainville est la maison natale d’Henri Marie Ducrotay de Blainville, né à Arques en 1777. Elève du zoologiste Cuvier, membre de l’institut et professeur d’anatomie et de zoologie au muséum d’histoire naturelle de Paris, Blainville est l’un des naturalistes les plus réputés du XIXe siècle. Il meurt subitement le 1er mai 1850 à l’embarcadère du Havre, actuelle gare Saint-Lazare.
Après 1870, Arques-la-Bataille connaît un fort développement industriel avec les charbonnages Thoumyre, la menuiserie Baudelot et l'usine Viscose où est produite l’une des premières fibres synthétiques françaises. L’un des fondateurs est le chimiste Ernest Carnot (1888-1955), fils du président Sadi Carnot. Ce développement industriel, qui entraîne un doublement de la population en 50 ans, s’accompagne de la création de nombreuses œuvres sociales patronales (l’Etoile Sportive Arquaise, la Musique des industriels d’Arques) et la construction de logements ouvriers, la cité CTA (Compagnie des Textiles Artificiels).
Le Manoir d’Archelles, Rte de Saint-Aubin le Cauf, construit en briques, ayant conservé des éléments défensifs et dont le corps de logis date du XVIe, à l'extérieur du bourg, achèvent ce riche itinéraire. Derrière un avant-corps fortifié gardant l’entrée de la cour, s’élève le bâtiment principal de cette demeure datant de la seconde moitié du XVIème siècle. La monotonie des façades est rompue par une décoration géométrique en silex de différentes couleurs. La robustesse des deux tours et l’étroitesse du porche voûté rappellent la vocation défensive de l’édifice. Il fut élevé par Nicolas de Rassent, dont les descendants seront gouverneurs du château d’Arques. Cette famille émigrera à la Révolution.
Bien servie par la nature, la commune est propice à la promenade, avec ses plans d’eau et sa forêt domaniale. Couvrant près de 1000 hectares, cette dernière est une belle futaie de hêtres et de chênes, coupée de quelques résineux. Située à la pointe du plateau d'Aliermont, la forêt d'Arques-la-Bataille est très fréquentée par les promeneurs et les sportifs de la région de Dieppe qui apprécient le calme de ses nombreuses allées. Quelques aménagements destinés à l’accueil du public viennent compléter le cadre. Dans la forêt d'Arques, une route dénommée rue de la Pyramide mène au monument qui célèbre la bataille. Ce monument a été inauguré le 6 septembre 1827 par la duchesse de Berry. Par ailleurs, le point de vue de la Pyramide constitue un site naturel classé depuis le 1er juin 1943. Dispersés dans la commune, les étangs de pêche en fond de vallée constituent également des lieux de balade.
Autre témoignage historique important, le cimetière du Commonwealth, en lisière de forêt d'Arques-la-Bataille, où reposent les corps des étrangers venus effectuer des travaux routiers et forestiers dans la région pendant la guerre 14-18. Ils étaient chinois, hindous et anglais, mais surtout cafres, venus de l’Océan Indien. Dès le mois de décembre 1916, le maire d’Arques-la-Bataille informe le Conseil Municipal de l’intention de l’armée britannique de créer un cimetière, à proximité de l’hôpital de campagne en construction sur le territoire de la commune près du manoir d’Archelles. La demande officielle leur parvient le 17 décembre 1917 par une lettre adressée par le Colonel Dumanoir, commandant de la zone militaire de Dieppe.
Passer devant les 311 tombes qui s’alignent sur la colline est un moment saisissant. Le cimetière, qui en 1917 n’avait une superficie que de 1200 m2, sera agrandi en 1918 pour faire plus de 2000 m2. De nos jours, c’est une partie du territoire du Commonwealth et il est entretenu par le gouvernement britannique. Les espaces forestiers qui l’entourent et leurs belvédères sont une invitation à ressentir davantage l’histoire de ces hommes en Normandie.