La commune de Villequier est lovée au creux d’un méandre de la Seine dans l’avant dernière boucle de la Seine. Elle tire son identité du fleuve mais aussi des bois et du plateau qui la surplombent. Le lieu est mentionné sous les formes Villechier en 1137-1150, Villequier en 1337, Villequier en 1393, Villequier en 1403, Vilquier au XVIIIe siècle. Les deux formes les plus anciennes Villequier / Villechier et la forme actuelle Villequier laisse penser à première vue, que le premier élément "Ville" représente l'appellatif ville « domaine rural, village » (ancien français vile, d'où vilain), or cet appellatif est toujours en position finale dans les noms de lieux de Normandie septentrionale. Le deuxième élément "quier" est analogue à celui d'Orcher, jadis Aurichier au XIIe siècle et s'explique par le vieux danois kjarr « marais » toujours associé à un nom d'arbre. La commune actuelle fut formée en 1823 par la réunion des deux anciennes paroisses de Villequier et de Bébec.
Un peu d'histoire pour mieux comprendre votre prochaine visite. Les fouilles effectuées à Villequier ont livré quelques objets d'époque romaine et du Haut Moyen Âge. Son histoire commence au Moyen Âge : le seigneur de Villequier fut entre autres personnes, un des chevaliers qui accompagnèrent Robert le Magnifique, duc de Normandie, en Terre sainte. La Terre de Villequier fut donc un fief seigneurial où résidaient de nombreux chevaliers. Par la suite elle sera possédée par de nombreuses familles, dont la famille Cavelier jusqu'au début du XVIIIe siècle.
Le village de Villequier tire sa renommée de la tragédie que fut la noyade dans le fleuve en 1843, de Léopoldine Vacquerie, fille de Victor Hugo, et son mari, Charles Vacquerie. Mariés le 15 février, ils disparaissent le 4 septembre suivant et sont inhumés dans le même cercueil et dans la même tombe. C’est à la suite de ce drame que Victor HUGO composa son plus célèbre poème « Demain dès l’aube… ». Les Contemplations, recueil publié par le poète en 1856, constituent une œuvre de deuil dans laquelle la disparition du jeune couple occupe une place centrale, de même qu'elle est une césure dans la vie de l'auteur. L’aquarelle de Turner Entre Quillebeuf et Villequier atteste de la dangerosité de la Seine à cet endroit où le fleuve dessine son méandre le plus large. Elle préfigure le drame qui s’est joué là en 1843.
La maison Vacquerie, l'ancienne maison des beaux-parents de Léopoldine, accueille aujourd’hui le musée Victor Hugo, une visite incontournable pour les amateurs de ce géant de la littérature française. Victor Hugo y séjourna à plusieurs reprises très ami de la famille avant même le mariage de Léopoldine avec Charles Vacquerie. Achetée par le département en 1951. L’ancien presbytère de Villequier du XVIIIe siècle a été réhabilité pour y transférer la mairie de la commune. Les boiseries et parquets, mais aussi des peintures murales d’Emile Ruffin ont été restaurés. L’édifice, dont le jardin est planté de roses, domine un sublime panorama sur la Seine.
Pendant votre déhambulation, retrouvez l’héritage maritime dans les différents édifices de Villequier : les graffitis marins de l’église de Bébec, le vitrail naval de l’église Saint Martin ou encore les chapelles de Barre-y-Va, qui selon la légende, auraient été bâties pour remercier la Vierge d’avoir sauvé des marins. Jusqu’à encore récemment, Villequier accueillait la maison des pilotes. En effet, la navigation sur le fleuve requiert une certaine expertise assurée par les pilotes de Seine. Le village étant situé idéalement entre Rouen et Le Havre, le changement de pilotes se faisait à Villequier.
On trouve trace écrite du métier de pilote de Seine depuis au moins Louis XIII (1601/1643) et vraisemblablement le pilotage à Villequier date de bien avant, sans doute du moyen-âge. En 1658, le pilotage de Villequier comportait 39 pilotes. Avec l’intensification du trafic fluvial, la maison des pilotes est aujourd’hui à Caudebec-en-Caux, où le changement de pilote à désormais lieu. Cependant, l’héritage de cette profession particulière a laissé une culture forte liée au fleuve.
L'intérêt majeur de l'église Saint-Martin, réside dans la qualité des vitraux de la nef, en particulier celui du Combat Naval de 1523 qui est tout à fait exceptionnel par les précisions qu'il apporte, tant sur les marins que sur les navires composant cette scène. Il s'agit vraisemblablement d'un combat livré par l'un des pilotes de Jean Ango contre un galion espagnol, ramenant des trésors lors de la conquête du Mexique. Richard de Villequier fonda en 1205 le premier hospice à Caudebec-en-Caux. L'église Saint-Martin dépendait alors de l'abbaye de Corneville-sur-Risle. A la suite de la Guerre de Cent Ans et des dommages qu'elle a subit, elle fut rebâtie au XVIe siècle. Après cette visite, il est agréable de prendre la route qui monte vers le château qui offre de belles vues sur la Seine, puis un intéressant parcours en forêt.
Cimetière de l'église Saint-Martin : sépultures de la famille Vacquerie-Hugo : Léopoldine Hugo (1824-1843), Charles Vacquerie (1817-1843), époux de Léopoldine, mort noyé avec elle le 4 septembre 1843 et Adèle Hugo (1830-1915), autre fille de Victor Hugo. Se trouvent également inhumés près d'eux Adèle Foucher (1803-1868), femme de Victor Hugo, et Auguste Vacquerie (1819-1895), poète, journaliste, compagnon d'exil de la famille Hugo à Guernesey.
Sur les hauteurs de Villequier, à l'orée d'un bois, le lieu-dit Bébec accueille l'église Saint-Pierre de Bébec du XVIe siècle et a été réalisée en pierres calcaires. Richard de Villequier, mort en 1162, a partagé son territoire entre ses trois fils. Jean obtient Villequier, Touffreville-la-Cable revient à Louis et Bébec à Guillaume. Bébec fut rattaché à Villequier, en raison de son identité fluviale par ordonnance royale le 3 septembre 1823. L'église Saint-Pierre porte le nom du patron des pêcheurs.
Des graffitis marins identifiés du XVIIIe siècle sont visibles tout autour du bâtiment. Similaires à ceux visibles à Lillebonne, Saint Arnoult, Vatteville ou Saint Nicolas de Bliquetuit, ils représentent souvent des navires qui sont des ex-voto de marins ou prisonniers libérés. On peut reconnaître des échelles et des potences. Tout le monde ne sachant pas lire à l'époque, les images étaient vecteurs d'informations. Dessiner sur un lieu de culte était un signe de reconnaissance. La population étant exposée aux dangers de la navigation, il pouvait s'agir de remerciements pour avoir survécu à une tempête.
Le cimetière atypique de Bébec compte une trentaine de tombes dont celle de Pierre Laurent, (1898 - 1967) né à Mont Saint Aignan, il s'établit à Villequier fin 1930 pour son talent de poète. Couronné à deux reprises par l'Académie française, son œuvre majeure est Villequier, Pays des Roses, publié en 1955. Une des particularités de ce cimetière est que certaines tombes de confessions différentes sont orientées à l'inverse des autres. Un chemin extérieur encore visible permettait d'y accéder sans traverser la partie catholique. Il y a également deux inconnus de la Seine repêchés en 1994 au niveau de Villequier qui y ont été inhumés.
La Chapelles de Barre-y-Va : l'ensemble du site comprend la grande chapelle, dédiée à Notre-Dame, en calcaire et brique, à vaisseau unique, du XVIe siècle et modifiée postérieurement, l'ancienne maison du chapelain, en brique et calcaire, du début du XVIIe siècle, et l'oratoire ou chapelle bleue, du XVIIIe siècle. Son intérêt repose sur sa situation géographique et son caractère de lieu de pèlerinage et lieu de dévotion populaire, pour les marins. Un calvaire du XVIIIe siècle, permet l'accès à la chapelle bleue. L'église est décorée de vitraux du début du XVIIe siècle.
Outre ses deux églises, Villequier accueille également cinq châteaux et plusieurs manoirs. Le château de Villequier est situé sur les hauteurs de Villequier. Il a été édifié en 1784 par Jacques-François Asselin de Villequier sur l'ancien fief de Beaumesnil. Le nom de Beaumesnil fut apporté du pays d'Ouche par Robert II d'Harcourt qui épousa Jeanne de Villequier au XIIIe siècle. La terre de Villequier a eu ses seigneurs particuliers depuis le XIe siècle. Le seigneur de Villequier, avec ceux d'Yvetot, de Recusson, de Bellengues et de Calletot est au nombre des chevaliers qui accompagnèrent Robert, duc de Normandie, en terre sainte. C'est de ce siècle que date la première forteresse élevée au lieu-dit de Coudreaux. Elle faisait partie des possessions des comtes d'Évreux, propriétaires des forêts de Gravenchon et Maulévrier.
Le château de la Guerche a été édifié en 1627, Charles Marie de Villequier acquiert le domaine en 1638. En 1685, le manoir est transformé en ferme. En 1850, Léon Malfilatre, futur maire de Villequier, l'achète avec aussi le bois de La Roquette. Il construit notamment un relais de chasse et un chemin jusqu'à la Seine. Vers 1875, le pavillon de chasse fut agrandi et devint le château actuel, de style anglo-normand. Pendant la Seconde Guerre mondiale, des rampes de lancement de V1 furent installées par les Allemands, qui occupaient le domaine, sur un promontoire non loin du château.
Le Manoir des Rocques, est un manoir construit au pied de la falaise au XVe siècle. Après la destruction du château des Roques pendant la guerre de Cent Ans, réaménagement éffectué au XVIe par "les Busquet", famille d'armateurs de Rouen. Composée de plusieurs hameaux, Villequier révèle tout son charme et ses attraits au détour d’une balade en forêt, en bord de Seine ou sur les chemins de campagne du plateau. Admirez également la Statue de Victor Hugo regardant la Seine dans la direction du naufrage du bateau de sa fille et son gendre.