La Montagne de Watten culmine les paysages de l’Audomarois. Elle offre ainsi un point de vue particulièrement panoramique sur le territoire. Là, à 72 mètres d’altitude, le regard embrasse le Houtland (le Pays boisé), et la mer se laisse découvrir par temps clair. Intégrée dans la chaîne des Mont des Flandres et constituant son maillon le plus occidental. Le long de la route serpentant sur le Mont, un sentier permet de gravir la montagne en sécurité et de redescendre. Sur le mont de Watten, un riche patrimoine se dévoile au regard de tous dont une abbaye en ruines.
La Cité de Watten, dont le nom signifie "passage à gué", a su conserver et entretenir les vestiges des siècles qui font sa fierté. Lorsque la mer couvrait encore ses terres aujourd'hui bâties et cultivées, des peuplades romaines avaient choisi de s'établir à Watten, elles furent détrônées par les francs, eux-mêmes chassés par les normands qui détruisirent la ville en 881. C'est la présence monastique qui sauva Watten de l'abandon. Les ravages des normands furent tels que la ville resta en ruine jusqu’en 1072 et l’arrivée d’un prédicateur itinérant nommé Olfride, en provenance du Tournaisis, qui décida de fonder un monastère sur la Montagne de Watten. L’abbaye de Watten fut dédiée aux saints Nicolas et Riquier par l’évêque de Thérouanne, Drogon, proche de Bernard de Clairvaux.
Voici son histoire :
Watten est citée en 831 comme domaine agricole du nom de « Villa Guadannia », dans le cartulaire de l'abbaye de Saint-Riquier (Somme).
En 874, une chapelle dédiée à Saint-Riquier fut établie au sommet du mont de Watten. Elle était entourée d'une ferme et d'un village d’une certaine importante, dotés d’habitations pour les ouvriers agricoles. Vivant en autarcie, les habitants étaient protégés par une palissade en bois et des fossés.
Au XIe siècle, un ermite du nom d'Alphume s’était retiré dans une chaumière entourée de bois avec quelques disciples, formant une communauté religieuse autour de l’oratoire dédié à saint Riquier. Watten était alors un lieu de désolation, où il ne restait que les débris du passé sous forme de ruines et de fragments de marbre. Selon la chronique de l'abbaye, les habitants des lieux étaient aussi « incultes » que les terres qu’ils occupaient. Ils vivaient de pêche, de fruits et de légumes cultivés grossièrement : l’Aa était une rivière poissonneuse et déjà animée par les échanges entre Saint-Omer et le littoral.
En 1072, un prédicateur itinérant nommé Olfride, en provenance du Tournaisis, choisit le mont de Watten pour y fonder un monastère. A la recherche du lieu idéal pour exercer ses fonctions, il trouva à Watten une position favorable à son action. Il y revint à plusieurs reprises, pour s’installer avec ses frères « pauperes Christi ». Il fonda son monastère à l’emplacement d'une chapelle.
Les terres de Watten étant passées de la dépendance de l’abbaye de Saint-Riquier à celle de Bergues Saint-Winoc dans la première moitié du XIe siècle, Olfride dut affranchir les lieux pour y créer son établissement, grâce à l'appui du seigneur de Watten, Adam, qui fit don de terres, d’argent et d’ornements d’église, et du comte de Flandre, Robert le Frison. Ce dernier venait de remporter à Cassel une victoire sur le roi de France qui lui assurait le pouvoir, jusque là contesté. Pour célébrer cet événement, il prit à ses frais l’entretien à perpétuité de trente chanoines augustins. C’est le premier monastère de chanoines réguliers créé en Flandre. Il s’agira du premier monastère de chanoine réguliers de Flandre.
L’abbaye de Watten fut dédiée aux saints Nicolas et Riquier par l’évêque de Thérouanne, Drogon. Les habitants avaient l’habitude d’affluer le 9 octobre pour célébrer la Saint-Riquier. En 1081, un an après la nomination d'Alphume comme second prévôt, le monastère est gravement endommagé par un incendie. En 1088, Bernold succède à Alphume comme prévôt.
Du XIe siècle au XIIe siècle l'abbaye de Watten se dote de nouvelles terres issues de la mise en valeur (polderisation) de la Plaine maritime flamande. En 1093, Robert II de Flandre, dit Robert de Jérusalem, comte de Flandre, qui a multiplié les donations à l'abbaye lui donne la terre de Holeke (Holque) avec bois et marais ainsi que 53 hectares à Looberghe. À partir de cette date, le dessèchement du territoire d'Holque est effectué par les moines. Les comtes de Flandre successifs vont confirmer ces donations et en rajouter de nouvelles.
En 1097, le chapitre régulier de Watten est placé sous le vocable de Notre-Dame du Mont de Watten par l'évêque d’Arras. Il accueille des reliques en provenance de Terre sainte : cheveux de la Vierge, reliques de Saint Nicolas et de Saint Mathieu, envoyées par le comte Robert II, alors en terre sainte dans le cadre de la première croisade. La comtesse Clémence, épouse de Robert, assiste à la dédicace donnée à l'occasion et ajoute des biens. Thierry d’Alsace, comte de Flandre, fit de ce monastère restauré par ses soins son séjour préféré. Il y sera inhumé après sa mort, survenue en 1168 à Gravelines.
En 1161, Milon II, évêque de Thérouanne concède à l'église de Watten, l'autel de Looberghe et un revenu annuel de quatre marcs. En 1297, l'abbaye se range derrière le comte de Flandre Gui de Dampierre en guerre contre le roi de France Philippe IV le Bel. Celui-ci bénéficie du soutien de l'Église dans ce conflit. De ce fait, l'archévêque de Reims et l'évêque de Senlis mettent sous interdit les domaines du comte de Flandre et de ses partisans au motif de rébellion contre le roi.
L’abbaye fut ruiné par de multiples conflits, pillages et incendies dus à la position stratégique du mont. En effet, la situation naturelle de belvédère a fait de Watten, et de son mont, un lieu de passage et une position privilégiée au cours des siècles. L’abbaye de Watten reçut la visite du célèbre martyr anglais, saint Thomas Becket.
L’abbaye sera successivement sous la juridiction de vingt-neuf prévôts ou abbés. Pendant les quatre siècles qui suivirent, L’abbaye de Watten dut subir les discordes et les guerres incessantes opposant les comtes de Flandre, les Anglais, les Espagnols et les rois de France. Ainsi près de deux milles flamands furent défaits par les français dirigés par le maréchal Miles de Noyers lors d’une bataille qui eut lieu le 26 décembre 1302, au pied de l’abbaye fortifiée.
Puis le monastère fut entièrement détruit par les Anglais en 1435. Une trêve entre les belligérants permit au prévôt de le reconstruire en trois ans. En 1477, lors du siège de Saint-Omer par les armées de Louis XI, Watten dut supporter les brimades des soldats français. Les dégâts commis furent considérables. Le monastère de Watten, fortifié, offrait en effet une excellente position militaire. En 1566, les Gueux ou « briseurs d’images » entrèrent à leur tour à Watten et saccagèrent la ville et l’église de la prévôté. En 1570, le monastère fut rattaché au nouvel évêché de Saint-Omer par une bulle du pape Pie IV. En 1579, François de la Noue, chef français et protestant, y logea plusieurs fois, y plaçant des garnisons. Il finit par y mettre le feu.
Jean de Vernon, évêque de Saint-Omer, fit reconstruire en 1592 une partie des bâtiments du monastère qui seront occupés vers 1608 par des jésuites anglais. Ceux-ci reçurent en propriété les terrains du monastère, ainsi que ceux du comté d’Holque, leur permettant d’ouvrir un pensionnat et un noviciat qui existèrent jusqu’à la dissolution de l’Ordre.
Des jésuites anglais seront remplacés en 1763 par des lazaristes et des prêtres séculiers, entretenant la bonne réputation du collège. Le monastère est décrit à l’époque en termes enthousiastes. L’édifice, de construction récente, comprenait une riche chapelle dite de « l ’Ange Gardien » avec quatre autels, une salle réservée aux séances académiques, de spacieuses salles d’études et de récréation, des classes et des dortoirs parfaitement aménagés, une brasserie, une boulangerie, une cordonnerie, une lingerie, un magasin d’habillement pour maîtres et élèves, une menuiserie, un atelier de charpenterie et même une pharmacie. Le collège abritait plus de cent internes répartis en trois sections : anglaise, flamande et française.
Les lazaristes et des prêtres séculiers tombèrent en désaccord avec l’évêque de Saint-Omer au sujet de la possession des biens de l’ancien monastère. Le procès se terminera en 1769 en faveur de l’évêque de Saint-Omer, reconnu seul propriétaire par arrêt du Parlement. Pour éviter des dépenses nécessitées par les réparations, il fit démolir tous les bâtiments, sauf la tour et les murailles qui formaient le jardin. Avec les matériaux de la démolition, l'évêque de Saint-Omer se fit construire une maison de campagne et une ferme qui existe toujours.
C’est autour de l’abbaye de Watten, et de la maison dite des jésuites anglais que s’est établie au XVIIIe siècle la fortification principale, maîtrisant ainsi la route de Cassel.
A la Révolution, le monastère sous le nom de « château » en 1792 fut vendu comme bien national. Les nouveaux acquéreurs voulurent, après la Révolution, démolir la tour de l'abbaye, mais défense leur en fut faite par l’autorité administrative. Acquise par le gouvernement en 1822, en même temps que le terrain qui la supporte, cette tour servait, dit-on, de point de repère aux navigateurs. En 1909 elle est classée monument historique. Durant la Seconde Guerre mondiale, la tour reçut un obus qui y provoqua un trou énorme. Le site est classé en 1980. La commune rachète le moulin et son bastion en 1985 et le restaure en 1988. En 2008 la tour devient propriété communale.
De nos jours, de l’abbaye fondée à Watten au IXe siècle, il ne reste que quelques vestiges, dont les murs d’enceinte mais aussi la tour de l’abbaye datant du XVe siècle. Cette dernière est classée au titre des monuments historiques depuis 1909 et l’ensemble du site en 1998 en tant que Patrimoine National. Cet ensemble remarquable juché sur le mont de Watten surplombe le marais audomarois et les terres flamandes. Des panneaux dispersés sur le site expliquent l’histoire de l’abbaye et les dates qui l’ont marquée.
Le site n’est pas librement accessible, mais uniquement lors de visites guidées de mars à septembre, durant les Journées des sites fortifiés, aux Journées Européennes du Patrimoine, le 15 août pour la fête de l’abbaye et lors d’événements annuels (fête médiévale, Fantastiquest, concerts, etc.). Renseignez-vous auprès de la Maison du tourisme de Watten.